Il était une fois Rosetta et Philae... Vendredi, l'Agence spatiale européenne écrira le mot fin sur ce conte de fées spatial aux nombreux rebondissements, qui a permis d'intéresser un large public à cette mission scientifique.

La sonde européenne va se laisser tomber sur le noyau de la comète Tchouri et sera aussitôt éteinte.

L'orbiteur, lancé en 2004, et son robot-laboratoire ne sont que des cubes métalliques bourrés d'électronique, de logiciels et d'instruments scientifiques.

Mais le procédé d'anthropomorphisme, initié par l'ESA, a formidablement fonctionné, créant un phénomène d'attachement chez certains Terriens, notamment les plus jeunes.

À l'occasion du réveil de la sonde en janvier 2014 après deux ans et demi d'hibernation, l'ESA a fait réaliser des petits dessins animés autour de cet épisode et les a diffusés sur son site internet.

«Nous avons eu l'idée d'un conte de fées avec la princesse qui se réveille. Et cela a marché étonnamment bien», raconte à l'AFP Mark McCaughrean, responsable scientifique à l'ESA, qui a beaucoup travaillé sur la communication autour de la mission.

Le conte de Rosetta, l'aventurière aux grands panneaux solaires et du petit Philae, perché sur elle, et impatient d'arriver, était lancé. Il a été suivi de plusieurs épisodes pleins de suspense.

Les réseaux sociaux et particulièrement Twitter ont joué un rôle très important dans la narration de l'épopée. Dès octobre 2010, Philae postait son premier tweet en lançant «Bonjour le Monde:)».

Alors qu'il est totalement muet depuis plus d'un an et que Rosetta a renoncé depuis début septembre à tendre l'oreille pour tenter de capter un signal de lui, il compte encore 448 000 abonnés (@Philae2014).

Un peu plus que sa «mère», qui est suivie par 447 000 abonnés (@ESA-Rosetta). Mais nettement moins que Curiosity qui crapahute sur Mars et compte 3,4 millions d'abonnés.

«Nous avons été surpris par l'ampleur de l'engouement du public», déclare à l'AFP Fabio Favata, directeur de l'exploration scientifique et robotique à l'ESA.

«Troisième enfant»

«Mais le danger c'est que les gens deviennent si attachés» que lorsqu'arrive la fin de la mission, «ils pensent que vous tuez un enfant ou quelque chose de la sorte», ajoute M. Favata.

La question s'est posée assez vite pour Philae, qui devait s'éteindre trois jours après son atterrissage historique sur la comète 67P le 12 novembre 2014, et se réveiller plus tard avec l'arrivée des beaux jours.

«Nous avons eu l'idée de dire qu'il était simplement endormi et qu'il rêvait à la surface de la comète», indique Mark McCaughrean.

Pour Rosetta c'est différent. «La responsabilité est plus grande», dit-il.

«Car nous devons dire clairement aux gens que c'est terminé» et que «ces deux adorables personnages» ne se réveilleront jamais même lorsque la comète se rapprochera à nouveau du Soleil, poursuit-il.

«Avec une espèce de sang-froid, nous devons nous assurer que les gens ont compris que c'était vraiment terminé». «Mais il faut aussi susciter de l'optimisme sur ce que cela nous dit de façon plus large», ajoute-t-il.

«La mission Rosetta a eu un impact social très positif», déclare à l'AFP Jan Wörner, le directeur général de l'ESA.

Elle a montré que «l'on peut rêver de quelque chose et que ce rêve peut devenir réalité», estime-t-il.

«Cette campagne ludique, accessible, a permis aux gens de comprendre ce qui se passait sans être intimidés», relève Dimitrios Tsivirikos, psychologue à UCL (University College London).

Les plus chiffonnées seront sans doute les équipes qui ont travaillé parfois pendant plus de vingt ans sur cette mission saluée au niveau mondial.

«Rosetta, c'est une bonne partie de ma carrière», confie à l'AFP Sylvain Lodiot, 41 ans, responsable des opérations de vol de Rosetta à Darmstadt (Allemagne).

«Je suis assez triste. C'est un troisième enfant pour moi», dit ce père de famille.