La sonde américaine Juno arrive en banlieue de Jupiter le 4 juillet. Pendant 20 mois, elle fera 37 fois le tour de la géante gazeuse, dont elle scrutera les tréfonds. Il est possible qu'elle détecte une mystérieuse couche d'hydrogène métallique qui pourrait être à l'origine des forts champs magnétiques de la planète, qui ont obligé la NASA à prévoir des orbites excentriques pour protéger les instruments de Juno.

Lancée en 2011, Juno, dont le budget est de 1,1 milliard US, permettra de répondre à cinq grandes questions sur Jupiter. La Presse s'est entretenue avec Nick Cowan, astrophysicien à l'Université McGill, qui est spécialiste des exoplanètes (les planètes d'autres systèmes solaires que le nôtre) de la taille de Jupiter et attend avec impatience les données de Juno.

Comment expliquer ses bandes?

« On ne comprend pas très  bien les vents sur Jupiter, explique Nick Cowan. Il y a deux hypothèses. Soit les vents existent seulement sur la surface de la sphère, vers l'est ou l'ouest en alternance de l'équateur aux pôles, ce qui explique que la planète a l'air un peu rayée. Soit ces bandes sont des cylindres de fluides qui descendent super profondément dans la planète. Juno va aller mesurer la gravité de Jupiter avec haute précision avec des altimètres laser et avec ces mesures-là, on devrait être capable de voir à quelle profondeur les bandes se rendent. »



Un noyau solide ou gazeux?


Jupiter a-t-elle un noyau solide, ou est-elle entièrement composée de gaz ? « On pense que les planètes de  la taille de Jupiter se forment très tôt après une étoile, avec environ 10 masses terrestres de glace et de roche qui attirent beaucoup de gaz  du disque protoplanétaire, dit Nick Cowan. Mais on ne sait pas si le noyau survit ou si la roche et la glace se mélangent aux gaz. Le noyau de Jupiter sera probablement formé de glace et aura au maximum  10 fois la masse de la Terre. C'est peu considérant qu'elle est 1000 fois plus massive que la Terre. »

Y a-t-il de l'eau et de l'oxygène?

Le troisième thème qui intéresse Nick Cowan est le rapport carbone/hydrogène de Jupiter, qui devrait refléter celui du disque protoplanétaire d'il y a 4,5 à 5 milliards d'années (le disque protoplanétaire est l'amas de matière qui entourait le Soleil avant la formation des planètes). « La sonde Galileo a mesuré seulement la surface de l'atmosphère et l'a trouvée très sèche. Mais sur Terre, en haute altitude, il n'y a également pas beaucoup d'eau. Il devrait normalement y avoir de l'oxygène sous forme d'eau plus bas dans l'atmosphère de Jupiter. »

Y a-t-il de l'hydrogène métallique?



« Normalement, quand on soumet un gaz à d'énormes pressions, il commence à agir comme du métal plutôt que comme un gaz, dit Nick Cowan. C'est un drôle de fluide. Comme métal, il peut conduire l'électricité et peut être important pour le champ magnétique. Sur Terre, notre champ magnétique est dû à un noyau externe de fer liquide. Personne n'a créé d'hydrogène métallique en laboratoire, mais en principe c'est faisable avec des explosions contrôlées, pour créer des densités et pressions semblables à celles sur Jupiter. »

Que se passe-t-il aux pôles ?

Juno décrira des orbites très elliptiques qui la feront passer près des pôles, pour éviter le champ magnétique très énergétique de Jupiter. « C'est comme sur Terre, si un satellite passait par la ceinture de Van Allen [la ceinture de Van Allen est l'endroit de l'orbite terrestre où le champ magnétique de la Terre est le plus élevé] : les particules énergétiques détruiraient ses instruments, dit Nick Cowan. On n'a pas suffisamment de données pour savoir ce qui se passe avec les pôles de Jupiter. On pense que la chaleur interne de Jupiter sort plutôt de là. » Contrairement à la Terre, qui reçoit l'essentiel de sa chaleur du Soleil, Jupiter tire la moitié de la sienne de l'énergie qui s'échappe de son noyau. Comme sur la Terre, le champ magnétique jovien (celui de Jupiter) est plus faible au-dessus des pôles, ce qui explique les aurores boréales causées par l'interaction des particules du Soleil avec l'atmosphère.