Les équipes sont prêtes, mais la mission est très périlleuse: la sonde européenne Rosetta va tenter mercredi de faire se poser en douceur son petit robot atterrisseur, Philae, à la surface de la peu hospitalière comète Tchourioumov-Guérassimenko. Du jamais vu.

Cette mission d'«archéologie spatiale», entamée en 2004 avec le lancement de Rosetta, cherche à percer l'évolution du système solaire depuis sa naissance, les comètes étant considérées comme des vestiges de la matière primitive.

L'Agence spatiale européenne n'a pas choisi la facilité pour cette première dans l'histoire de l'exploration spatiale, comparable pour certains scientifiques aux atterrissages des Viking sur Mars en 1976, «en territoire inconnu».

L'opération a été longuement et très soigneusement préparée.

Pas moins de trois centres opérationnels sont mobilisés: le Centre européen d'opérations spatiales (ESOC) de l'ESA à Darmstadt (Allemagne), le Centre de contrôle de l'atterrisseur du DLR (l'agence spatiale allemande) à Cologne (Allemagne), et le Centre des opérations scientifiques et de la navigation de l'atterrisseur, au CNES (l'agence spatiale française) à Toulouse (France).

Tout va se jouer en environ sept heures, à 511 millions de kilomètres de la Terre.

Le largage par Rosetta de Philae, un robot laboratoire de 100 kg, a été fixé à 03h35, à 20 kilomètres de la surface de la comète.

Andrea Accomazzo, directeur de vol de la mission Rosetta à l'ESOC, est confiant: la sonde «fonctionne très bien» et jusqu'à présent, «toutes les opérations de vol se sont déroulées comme prévu», a-t-il souligné lors d'un point de presse retransmis sur internet.

«L'échec n'est pas une option!»

La séparation doit cependant impérativement avoir lieu «au bon moment, à la bonne position dans l'espace, à la bonne altitude et à la bonne vitesse».

«La moindre petite erreur se traduirait par une erreur significative sur la position à la surface» de la comète, a mis en garde Andrea Accomazzo.

D'ultimes vérifications et validations sont prévues entre mardi soir et mercredi matin avant le feu vert définitif à la séparation, afin de s'assurer que tous les systèmes sont prêts et que Rosetta est bien en mesure de délivrer Philae sur la bonne trajectoire. Si un voyant rouge s'allumait, l'atterrissage serait reporté, à une date qui restera à préciser.

La confirmation de la séparation parviendra à l'ESOC à 04h03, compte tenu du délai de transmission du signal radio depuis Rosetta. Elle sera relayée par l'antenne de la station New Norcia, en Australie.

Ce sera ensuite sept longues heures d'attente avant l'atterrissage, dont la confirmation devrait parvenir sur Terre vers 13h02 mardi avec quand même une plage d'incertitude d'une quarantaine de minutes.

Mais les responsables de la mission devraient être en mesure de suivre le déroulement de la lente descente de Philae en chute libre, totalement passive, vers sa cible.

Rosetta manoeuvrera de sorte que la liaison avec Philae puisse être rétablie deux heures environ après le largage. Dès que Rosetta aura «repointé» Philae, il y aura des images toutes les heures durant la descente, prises par les caméras de la sonde.

La grande inconnue reste ce qui attend Philae à l'arrivée sur la comète.

Car ce n'est pas une belle piste d'atterrissage bien plate qui va l'accueillir, malgré tous les efforts des scientifiques pour trouver le meilleur site possible, le site J, rebaptisé Agilkia.

Agilkia est une zone d'environ un kilomètre carré, située sur le petit lobe du noyau de la comète, sa tête si on se réfère à sa forme de canard. Elle est truffée de rochers, dont la taille varie entre 50 centimètres et 50 mètres. Il y a aussi des pentes supérieures à 30°, la limite théoriquement tolérée par le train d'atterrissage presque tout terrain de Philae.

«Il y a 18% de la surface qui devraient nous être interdits», a prévenu Philippe Gaudon, chef du projet CNES de la mission Rosetta.

Jean-Pierre Bibring, responsable scientifique de l'atterrisseur, veut pourtant y croire: «L'échec n'est pas une option!».