Les acteurs français du spatial font monter la pression en faveur d'un lancement rapide de la future Ariane 6, présentée comme «simple» et plus économe, alors que la concurrence américaine se fait très vive.

«Nous visons un premier lancement d'Ariane 6 en 2020», a déclaré jeudi le patron du CNES (Centre national d'études spatiales) Jean-Yves Le Gall lors d'une conférence de presse à Paris.

La future Ariane 6, destinée à lancer des satellites commerciaux et institutionnels, sera un lanceur «très simple», déclinable en plusieurs versions et moins coûteux que l'actuelle Ariane 5. Il faut que l'Europe spatiale «se décide très vite», selon lui, en raison de la compétition qui se joue au niveau des lanceurs avec notamment l'Américain SpaceX.

Le patron d'Arianespace, Stéphane Israël, a tenu un discours allant dans le même sens mercredi. «Aujourd'hui, avec l'ensemble de nos partenaires, les agences spatiales, l'industrie, nos clients, nous avons le sentiment que ça y est, nous y sommes, nous avons la bonne Ariane 6, celle qui sera parfaitement adaptée à la prochaine décennie», a-t-il déclaré sur France Info.

Selon la secrétaire d'État à la Recherche Geneviève Fioraso, Ariane 6 est «la clef pour l'Europe pour maintenir sa souveraineté d'accès à l'espace». Elle consacre beaucoup de temps actuellement à faire avancer ce délicat dossier auprès de ses homologues européens, notamment l'Allemande Brigitte Zypries.

Pour tenir le calendrier d'un lancement en 2020, il faudra sans doute que les ministres européens de l'Espace, français et allemands en tête, décident de ne pas passer par la case intermédiaire d'une Ariane 5ME souhaitée par l'Allemagne.

«L'avenir de l'Ariane 5ME n'est pas tranché. Ce dossier est en train d'être instruit par les états membres», a indiqué M. Le Gall. «Il faudra entrer dans une enveloppe budgétaire de l'ordre de 8 milliards d'euros pour les lanceurs sur les dix ans qui viennent», relève-t-il.

«Des compromis à faire»

«Il y aura des compromis à faire. In fine, la décision reviendra aux ministres». «Ce qui fera la différence, ce sera le budget disponible. Aujourd'hui, on a toujours tendance à vouloir tout faire, mais on n'en a pas forcément les moyens», estime-t-il.

«Si on devait aller vers une évolution intermédiaire, dite Ariane 5ME, cela ne doit pas retarder la mise en oeuvre d'Ariane 6», a considéré de son côté le patron d'Arianespace.

Mercredi, une réunion préparatoire de l'ESA (Agence spatiale européenne) avec les agences spatiales nationales et les industriels concernés a permis d'établir un document sur Ariane 6 qui sera présenté aux ministres européens membres de l'ESA lors d'un Conseil le 2 décembre à Luxembourg.

Une réunion informelle des ministres de l'ESA se tiendra le 23 septembre pour préparer ce Conseil.

Ariane 6 sera «un lanceur avec beaucoup de simplicité et une capacité d'emport de grande dynamique, en gros entre 5 tonnes et 10 tonnes», a dit M. Le Gall. Il devrait être en mesure de satisfaire à la fois les besoins des industriels et des acteurs institutionnels.

«L'organisation industrielle et institutionnelle sera simplifiée, l'objectif étant de réduire les coûts», a souligné M. Le Gall.

«Nous sommes sur une version d'Ariane 6 avec deux boosters, autour de 65 millions d'euros le lancement, et une version avec 4 boosters plutôt vers 85 millions d'euros», a-t-il souligné.

«Le coût au kilo emporté se situera aux alentours de 10 000 euros, à peu près deux fois moins qu'Ariane 5 aujourd'hui», a dit l'ancien patron d'Arianespace. La précédente version d'Ariane 6 présentée par le CNES et retoquée ne permettait qu'une économie de 30%.

La réduction du coût de lancement répond à la demande des opérateurs satellitaires, comme Eutelsat, qui s'est déjà porté candidat pour le premier vol d'Ariane 6.

Reste à persuader l'Allemagne, qui jusqu'ici penchait clairement en faveur du scénario d'une Ariane 5-ME avant l'arrivée d'Ariane 6.

«L'Allemagne est le deuxième contributeur Ariane. Donc il faudra que l'Allemagne veuille Ariane 6 et nous devons aujourd'hui convaincre nos amis Allemands», a reconnu M. Israël.