Des scientifiques la tête en bas manipulent des prototypes en tout genre, de l'horloge atomique à la combinaison spatiale. Une vingtaine de chercheurs ont embarqué mi-mars dans l'Airbus A300 ZERO-G pour se soustraire aux effets de la gravité, sans avoir à aller dans l'espace.

Avant de monter à bord de l'aéronef de Novespace, filiale du Centre national d'études spatiales, les participants à cette session écoutent attentivement les consignes de sécurité, finalement assez simples: en apesanteur tout doit être fixé - stylos, ordinateurs, tournevis, etc. - et il faut notamment mettre les «pieds en bas» à la fin de chaque phase d'apesanteur.

Après, on profite, car comme l'a noté l'ancien astronaute Jean-François Clervois, aujourd'hui PDG de Novespace, les participants ont la chance «d'être présents sur les manipulations», de prototypes qui pour certains iront ensuite sans eux dans l'espace.

«Pas très facile» pourtant de travailler en apesanteur, déclare à bord, à un journaliste de l'AFP, Luigi De Sarlo, 33 ans, chercheur sur les Systèmes de référence temps espace au CNRS, les yeux rivés sur un écran d'ordinateur, accroché à son expérience, les pieds à une dizaine de centimètres au dessus du sol.

L'expérience à laquelle il participe a pour but de prouver que l'horloge atomique «compacte» fabriquée fonctionne encore plus précisément en apesanteur. Objectif : «En faire une horloge pour l'espace», à embarquer à bord de satellites pour améliorer le positionnement par satellite.

À l'arrière de l'appareil, deux chercheurs en combinaison moulante, font des cabrioles dans un espace entouré de filets.

Ils développent une «skinsuit», une combinaison spatiale destinée à lutter contre les effets indésirables des séjours en apesanteur, tels l'étirement de la colonne vertébrale, en créant «une force de compression vers le bas à travers le corps, afin de reproduire la gravité terrestre», explique Philip Carvil, du King's College.

La combinaison, testée dans le même avion deux jours plus tôt par l'astronaute français Thomas Pesquet, ira dans l'espace en 2015 avec le Danois Andreas Modensen à bord d'une mission Soyouz à destination de la Station spatiale internationale (ISS).

Les onze expériences embarquées ont été choisies sur dossier par le comité de sélection du CNES. Sciences de la vie, sciences de la matière, technologie spatiale, entre autres... l'A300 ZERO-G est un véritable laboratoire volant.

Selon Sebastien Rouquette, 43 ans, chef de projet des vols dits «paraboliques» du CNES, ces campagnes ont permis «la publication de plusieurs milliers d'articles scientifiques depuis le début de l'activité, dans des revues majeures et dans tous les domaines».

L'instant unique où l'on échappe à la gravité

Malgré le caractère extrêmement pointu de toutes ces expériences, tout le monde à bord affiche le même sourire réjoui au moment des premières paraboles et de cet instant unique où l'on échappe aux effets de la gravité terrestre.

«On arrive à voler ! C'est un régime très très efficace pour la perte de poids», plaisante Jean-Claude Bordenave, 56 ans, commandant de bord, en lévitation à l'horizontale à un mètre du sol. Ils sont trois pilotes à bord qui se succèdent pour réaliser les manoeuvres consistant à cabrer l'avion vers le haut puis à leur faire piquer, et nécessitant au minimum deux pilotes.

«On ne s'en lasse pas», concède Jean-Claude Bordenave, 14 000 heures de vols et 7000 paraboles, à propos de cette sensation de légèreté.

Le vol parabolique est une manoeuvre extrêmement délicate reproduisant la chute libre d'un objet jeté en l'air, mais à l'échelle et à la vitesse d'un avion en vol. Chaque vol se compose de 31 paraboles, la phase de micro-gravité durant 22 secondes.

L'A300-ZERO-G est en service depuis 1997, date à laquelle il a succédé à la Caravelle ZERO-G, toujours visible sur le tarmac de l'aéroport de Mérignac.

Il sera retiré de la circulation à l'automne 2014, après sa 113e parabole et le CNES et Novespace n'ont pas encore déterminé quel appareil sera utilisé pour les campagnes suivantes.