Les Terriens le savent bien: pour espérer faire un jour l'aller-retour vers Mars, il leur faut beaucoup mieux connaître les limites de leur corps d'humain. C'est l'une des missions du Cadmos qui, depuis 20 ans à Toulouse, organise des expériences scientifiques dans l'espace.

«Les gens qui reviendront de Mars ne reviendront pas en bon état», glisse à l'AFP le spationaute Thomas Pesquet, de passage mardi au Centre d'aide au développement des activités en micropesanteur et des opérations spatiales (Cadmos), pour en célébrer le 20e anniversaire.

Thomas est pressenti pour être le prochain Français envoyé dans l'espace - peut-être en «2016-2017» dit-il - tout en sachant qu'une mission vers la lointaine Mars n'est pas envisagée avant des décennies... Au centre européen des astronautes, où il s'entraîne à Cologne (en Allemagne), ce spationaute de 35 ans se prépare, de toute façon, à voir son corps soumis à rude épreuve, quelle que soit sa mission.

Car pendant un vol habité, dit-il, «sur six mois, on perd 10% de masse musculaire, 10% de masse osseuse, même en faisant deux heures de sport par jour». Et quelqu'un qui passe six mois dans la Station spatiale internationale (ISS), placée en orbite terrestre basse, «reçoit en radiations l'équivalent de vingt ans d'expérience d'un pilote de ligne en haute altitude».

Depuis Toulouse, le Cadmos a pour mission de préparer, d'organiser et d'assurer l'exécution des missions scientifiques devant être réalisées en micropesanteur, à bord de l'ISS, d'une capsule récupérable, d'une fusée-sonde ou de l'Airbus Zéro-G.

Atrophie musculaire

Sur les écrans géants de la salle de contrôle du centre apparaissent régulièrement des astronautes, flottant dans la Station où ils pratiquent des expériences, en liaison directe avec des scientifiques au sol.

«La dernière expérience, Energy, avait démarré en mai 2012 et s'est terminée vendredi», explique la jeune Française Hélène Ruget, docteur en neurosciences, devant l'une des quatre rangées d'ordinateurs de la salle. «+Energy+ avait été préparée par un scientifique français pour étudier la dépense énergétique totale d'un astronaute au quotidien. Cinq astronautes ont réalisé l'expérience dont l'Italien Luca Parminato qui se trouve toujours à bord de la Station.

Dans une salle voisine, le responsable du pôle physiologie du Cadmos, Alain Maillet, présente un énorme fauteuil sophistiqué: il servira à étudier l'atrophie musculaire des astronautes et la dégradation de leurs articulations, dans un programme qui inclut différents scientifiques européens, en collaboration avec les Américains et les Russes.

Pour le président du Centre national des études spatiales (CNES), Jean-Yves Le Gall, le Cadmos est l'un des atouts que la France a à offrir dans cette coopération internationale, lui qui a été choisi par l'Agence spatiale européenne (ESA) pour être «plus particulièrement responsable des expériences en physiologie humaine» à bord de la Station.

«La France est en pointe au niveau mondial pour l'étude du fonctionnement du coeur et du cerveau là-haut (dans la Station), à 400 kilomètres au-dessus de nos têtes», renchérit le responsable des vols habités au CNES, François Spiero.

La vraie limite, notre physiologie

Et la suite, dit-il, «ce sera d'envoyer des astronautes vers la Lune ou vers Mars, pour des missions habitées beaucoup plus longues, de plusieurs années. Les astronautes seront soumis à l'exposition - mortelle - aux radiations et à davantage de dégradations du fait de l'apesanteur». Alors au Cadmos et ailleurs, «il y a tout un plan de recherche pour essayer de préparer l'homme.»

L'ancien astronaute Philippe Perrin se souvient d'avoir, en 2002, bénéficié du soutien décisif du Cadmos, alors qu'il flottait dans l'espace même, pour assembler un bras robotique canadien à la Station: «Des gens du Cadmos surveillaient en direct ma stabilité physiologique et psychologique!»

Évoquant «la cible ultime, Mars, où l'homme ira un jour», M. Perrin conclut: «Même si on avait déjà les budgets et les technologies pour y aller, la vraie limite, ce serait, encore, notre physiologie».