La première femme dans l'espace a été la Soviétique Valentina Terechkova, le 16 juin 1963, mais après ce succès historique, les Russes ont presque totalement écarté les femmes de la conquête de l'espace, contrairement à ce qu'ont fait les Américains.

«Les bonnes femmes n'ont rien à faire dans l'espace! (...) Plus jamais je ne veux avoir affaire à des femmes!» avait déclaré après ce vol le constructeur Sergueï Korolev, père du programme spatial soviétique, selon l'ouvrage de Iaroslav Golovanov, historien de la conquête spatiale, intitulé «Korolev: faits et mythes».

«L'essentiel pour l'URSS était d'être le premier pays à envoyer une femme dans l'espace, de dépasser les États-Unis», estime Igor Marinine, auteur de plusieurs ouvrages sur la conquête spatiale.

Le vol de Terechkova avait été marqué par de nombreuses difficultés. Elle avait du mal à gérer l'orientation de son vaisseau, était extrêmement stressée et avait des nausées, a raconté M. Marinine à l'AFP.

Ce n'est qu'en 1982, presque 20 ans plus tard, qu'a eu lieu le deuxième vol d'une Soviétique, Svetlana Savitskaïa. Deux ans plus tard, Savitskaïa a été la première femme à effectuer une sortie dans l'espace.

Elena Dobrokvachina devait participer avec Svetlana Savitskaïa au premier vol d'un équipage exclusivement féminin, composé de trois femmes, mais le projet n'a jamais été mis à exécution.

«Imaginez que vous êtes une ballerine, que vous préparez un spectacle et qu'au moment où vous devez enfin monter sur scène on vous dit: non, tu n'iras pas», a confié à l'AFP Mme Dobrokvachina, qui est aujourd'hui médecin à l'Institut des problèmes médicaux-biologiques (IMBP), chargé de la santé des cosmonautes.

«C'était probablement du chauvinisme masculin. Pendant notre entraînement à la Cité des Étoiles, les responsables du secteur spatial étaient divisés : les uns soutenaient ce projet exclusivement féminin, les autres ne supportaient pas cette idée», confie cette blonde souriante qui s'est entraînée pendant 14 ans pour un vol spatial et qui n'a jamais volé.

La troisième cosmonaute russe, Elena Kondakova, n'a volé qu'en 1994, dix ans après Savitskaïa, effectuant la première longue mission d'une femme dans l'espace: cinq mois à bord de la station Mir. Elle a aussi volé à bord d'une navette américaine en 1997.

Les vols de Kondakova n'auraient jamais été possibles sans l'appui de son mari, Valeri Rioumine, haut responsable du secteur spatial, estime Mme Dobrokvachina.

La première Américaine dans l'espace, Sally Ride, est partie pour sa première mission 20 ans après Terechkova, en 1983. Mais les États-Unis ont battu tous les records en ce qui concerne l'envoi de femmes dans l'espace : après Sally Ride, plus de 40 Américaines ont volé à bord des navettes spatiales.

Dans la conquête de l'espace, Russes et Américains ont eu des approches différentes: l'URSS développait des stations orbitales avec des vols de plusieurs mois qui nécessitaient plutôt la force et l'endurance des hommes, alors que les États-Unis disposaient de navettes spatiales plus confortables, conçues pour des vols d'une dizaine de jours, donc plus accessibles aux femmes, explique Igor Marinine.

«Les États-Unis voulaient prouver que dans la société américaine hommes et femmes sont égaux. Les Russes avaient des objectifs plus pragmatiques» : réaliser leur programme scientifique avec un minimum de ressources, souligne pour sa part Vadim Gouchtchine, psychologue de l'institut IMBP.

«Les vols avec des femmes nécessitent des ressources supplémentaires, par exemple plusieurs litres d'eau par jour en plus, ainsi que des produits d'hygiène», surtout lorsqu'il s'agit d'un vol de plusieurs mois, explique-t-il. Et chaque litre d'eau supplémentaire envoyé dans l'espace coûte cher.

Le chef de l'Agence spatiale russe Vladimir Popovkine nommé en 2011 semble aujourd'hui favorable au retour des femmes dans la conquête spatiale.

Une cosmonaute russe devrait partir dans l'espace en automne 2014, après une pause de près de vingt ans.

Elena Serova, 36 ans, seule femme de l'unité des cosmonautes russes, s'entraîne pour une mission de six mois à bord de la Station spatiale internationale (ISS).

Dans une interview à l'AFP, elle a confié qu'elle n'envisageait pas d'établir de nouveaux records dans l'espace, mais voudrait «tout simplement faire son travail».

«Je me sens comme un écolier qui se prépare à son examen principal. J'ai très peur de décevoir les gens qui ont fait tant d'effort pour préparer mon vol», confie la jeune femme.

«Si tout se passe bien et si mon vol a lieu, cela servira de signal pour que de plus en plus de femmes mettent à l'épreuve leurs forces dans l'espace», dit-elle.