Le patron de la NASA, Charles Bolden, a bon espoir que les États-Unis pourront envoyer des astronautes sur Mars dans les années 2030. C'est ce qu'il a déclaré lors d'une conférence consacrée à la planète rouge. Pour en savoir plus, La Presse s'est entretenue avec deux experts, dont un astronaute.

Q L'horizon de 2030 est-il réaliste?

R «Il y a un vrai défi technique et le rythme du développement est proportionnel à l'argent qu'on y met, croit Richard Léveillé, scientifique planétaire et spécialiste de la planète Mars pour l'Agence spatiale canadienne. Si on n'en fait pas un programme concret avec des investissements plus importants, ça risque de traîner encore.»

«C'est optimiste, mais réaliste, croit pour sa part l'astronaute canadien pour l'Agence spatiale canadienne et membre de la NASA David Saint-Jacques. Ce n'est pas un chiffre conservateur.» Si nous avons fait plusieurs percées, la fiabilité technologique doit toutefois encore être améliorée, ajoute-t-il

Q Sait-on comment se rendre sur Mars?

R «Il y a des projets en cours à la NASA et dans le privé. L'entreprise SpaceX a développé d'ailleurs sa propre fusée. Mais la question n'est pas réglée», indique le scientifique Richard Léveillé.

Le défi sera aussi de s'y rendre sans se perdre, explique l'astronaute David Saint-Jacques. «C'est un voyage de plusieurs mois. Il faut viser l'endroit où Mars sera au moment d'atteindre la planète.» De plus, la période propice pour lancer une telle mission ne se présente qu'une fois tous les deux ans. «Il y a une conjonction des orbites qui rend le voyage plus facile une fois tous les deux ans. C'est une fenêtre avantageuse qui permet de profiter d'une poussée avec l'orbite de la Terre», ajoute-t-il.

Q Quels défis représente une mission aussi longue?

R La santé des astronautes reste une grande préoccupation. «La grande inconnue reste: est-ce que l'équipage va survivre pendant une mission de trois ans, se demande David Saint-Jacques. Maintenir en vie des humains avec des systèmes artificiels pendant si longtemps, tout le défi est là.»

«Il y a des risques de détérioration des os, d'atrophie des muscles et il y a aussi des aspects psychologiques, poursuit Richard Léveillé. Passer autant de temps confiné avec 5-6 personnes, c'est un vrai défi».

En 2010 et 2011, l'Institut russe des problèmes médicaux biologiques a simulé une mission vers Mars. Six astronautes ont passé 520 jours confinés dans une réplique d'un vaisseau spatial.

«L'exposition aussi longue aux rigueurs des radiations spatiales demeure également un mystère pour le moment», ajoute M. Saint-Jacques.

Q Est-ce que l'entraînement des astronautes pour une mission sur Mars a déjà commencé?

R «Il n'y a pas d'entraînement spécifique. Mais dans la nouvelle génération d'astronautes dont je fais partie, on recommence l'entraînement en géologie puisque ce sera l'essentiel de la recherche qui se fera sur Mars, explique David Saint-Jacques. Ma génération étudie les missions vers Mars, car nous allons être impliqués probablement. En 2030, ce n'est pas moi qui irai en mission, mais je serai peut-être un astronaute senior qui pourra coacher les nouveaux. Les gens qui iront sur Mars ont environ 10 ans aujourd'hui.»

Q Une fois sur Mars, quels défis attendent l'équipage?

R «Les conditions sont extrêmes, il n'y a pas d'oxygène, très peu d'eau et beaucoup de radiation UV», précise le scientifique Richard Léveillé.

«Arriver sur Mars après neuf mois de route, l'équipage sera affaibli. Mais ils devront travailler, ce ne sera pas facile», dit David Saint-Jacques. La durée du séjour sera aussi déterminée par cette fenêtre propice afin de profiter de la poussée de l'orbite de Mars. «Comme vous voyez, on n'est pas rendu et on n'est pas revenu!», conclut l'astronaute.