Chris Hadfield s'est envolé hier pour la Station spatiale internationale (SSI). Il en sera d'ailleurs le premier commandant canadien, pendant trois mois, au printemps prochain.

Le séjour de cinq mois de l'astronaute - le deuxième dans la Station par un Canadien - sera marqué par plusieurs expériences sur la santé en apesanteur. Trois des cinq expériences canadiennes dont s'occupera l'ancien colonel et pilote d'essai porteront en effet sur ce sujet. L'une d'entre elles vise à suivre à la trace la tension artérielle des astronautes pour parvenir à prédire le risque d'évanouissement au moment du retour sur terre. Une autre étudiera l'évolution des vaisseaux sanguins en apesanteur, alors que la troisième mesurera le rayonnement neutronique dans la SSI.

Sur la terre comme au ciel

«Il pourrait y avoir des applications très réelles sur terre pour les patients ordinaires», explique Richard Hughson, kinésiologue à l'Université de Waterloo, qui a conçu les deux expériences sur la tension artérielle. «Les astronautes semblent vivre un processus de vieillissement accéléré. Si on parvient à identifier des marqueurs de ce risque, par exemple des hormones ou des molécules inflammatoires, on pourra identifier les astronautes plus à risque et les surveiller davantage. Et on pourra faire davantage pour les personnes âgées qui ont des problèmes d'équilibre et de durcissement des vaisseaux sanguins.»

Les deux phénomènes pourraient être liés, croit M. Hughson. «On pense que l'énergie de flot sanguin qui sort du coeur est absorbée par les vaisseaux sanguins élastiques, dit-il. Quand les vaisseaux le sont moins, l'énergie arrive trop vite dans les vaisseaux de la tête, qui sont endommagés. Cela réduit par la suite l'apport en sang frais au cerveau.» Le kinésiologue ontarien fait actuellement un essai clinique avec un médicament sur la base de cette théorie.

Utile pour les régions éloignées

On fera des prélèvements sanguins sur Chris Hadfield juste avant son retour. Ce dernier fera également une expérience imitant ce qui se passe dans les vaisseaux quand on se lève brusquement. «En apesanteur, se lever n'a pas d'influence sur la tension artérielle, explique M. Hughson. Mais on peut imiter cet effet en mettant pendant trois minutes sur les cuisses une ceinture qui supprime la circulation vers les jambes et les pieds. On va comparer ce qui se passe avant, pendant et après son séjour dans la Station.»

Les recherches sur la santé des astronautes comprennent également un volet «médecine en orbite» très intéressant pour le Canada, selon David Saint-Jacques, dernier Québécois à avoir été choisi pour devenir astronaute. Avec un territoire si vaste, les médecins sont souvent appelés à intervenir loin des grands centres, souvent avec le minimum d'équipement nécessaire. «Il faut choisir ce qu'on apporte à bord», affirme M. Saint-Jacques, qui est aussi médecin. «C'est très pertinent pour les villages inuits, et même pour la Gaspésie, dans un contexte de population vieillissante.»

Le Québécois David Saint-Jacques, qui est devenu astronaute il y a trois ans, ne pense pas aller dans l'espace avant «plusieurs années». Mais il multiplie les formations et est de plus en plus souvent responsable des communications avec la Station spatiale internationale (CAPCOM), à Houston. «Je ne partirai pas en 2013 ni en 2014. Depuis la mise à la retraite de la navette, il y a moins de place pour les Canadiens, explique le médecin de 42 ans. Mais j'ai fait l'entraînement à Houston et à Moscou et j'ai participé à des missions d'entraînement de deux semaines au fond de l'océan et dans une grotte, en Europe. Avec la mission de Chris Hadfield, je serai davantage CAPCOM.»