Dix-huit mois après une étude controversée sur la découverte d'une nouvelle forme de vie grâce à une bactérie qui se développerait avec de l'arsenic seul, deux nouvelles études publiées dimanche dans la revue scientifique Science réfutent cette thèse sans appel.

Ces derniers travaux montrent que cette bactérie, appelée GFAJ-1, a besoin de petites quantités de phosphate pour se développer et qu'elle ne peut pas remplacer le phosphore --une des six molécules clés de la vie sur Terre avec l'oxygène, l'hydrogène, l'azote, le carbone et le soufre-- par l'arsenic pour survivre.

Cette bactérie découverte dans les sédiments riches en arsenic du lac salé Mono, en Californie (ouest), s'était retrouvée au coeur d'une vive controverse dans la communauté scientifique après que les auteurs de cette étude eurent affirmé que ce micro-organisme pouvait incorporer de l'arsenic, élément toxique, dans son ADN quand le phosphore n'était pas disponible.

Les travaux sur cette étrange bactérie, menés par une équipe de chercheurs financée par la NASA et dirigée par Felisa Wolfe-Simon, une astrobiologiste alors à l'Institut de géophysique américain et aujourd'hui au Lawrence Berkeley National Laboratory, avaient été publiés le 2 décembre 2010 dans la version en ligne de Science.

Après un feu nourri de critiques dans la blogosphère scientifique et la publication dans Science de huit commentaires puis d'une réponse de la chercheuse Felisa Wolfe-Simon, la prestigieuse revue américaine poursuit sur la question avec ces deux recherches menées séparément et qui viennent réfuter sans appel l'hypothèse faite à l'époque.

La première conduite par le microbiologiste Tobias Erb de l'Institut de Microbiologie de Zurich, en Suisse, montre que la bactérie GFAJ-1 a besoin d'une certaine quantité de phosphate pour se développer, même si elle peut survivre dans un environnement contenant de fortes teneurs d'arsenic et de faibles quantités de phosphate.

Aucune indication de substitution par l'arsenic

La seconde recherche, dirigée par Marshall Reaves de l'Université de Princeton (New Jersey, est), confirme cette conclusion à savoir que l'arsenic seul n'est pas suffisant pour permettre à cette bactérie de se développer.

Ces travaux n'ont ainsi trouvé aucune indication que des molécules d'arsenic se soient substituées au phosphore dans l'ADN de la bactérie GFAJ-1.

Le phosphore reste essentiel à l'existence des organismes vivants sur la Terre et ce malgré le fait que la bactérie GFAJ-1 puisse vivre dans un environnement contenant de plus faibles concentrations de phosphate que les autres variétés de micro-organismes résistants à la toxicité de l'arsenic, concluent les deux équipes de recherche.

«En conclusion, les nouvelles recherches montrent que GFAJ-1 ne modifie pas les principes fondamentaux de la vie contrairement à l'interprétation des données faite par l'équipe de Felisa Wolfe-Simon», écrit la revue Science dans un éditorial accompagnant la publication des nouveaux travaux.

«Si l'étude initiale s'était avérée exacte, une telle découverte aurait eu des implications importantes pour notre compréhension des conditions essentielles à l'existence de la vie telle que nous la connaissons», poursuit Science.

L'arsenic est toxique pour les organismes vivants, mais ses propriétés chimiques sont similaires à celles du phosphore, note la revue scientifique.

Felisa Wolfe-Simon avait reconnu avoir détecté de faibles niveaux de phosphate dans les échantillons étudiés, mais avait conclu que ces teneurs étaient insuffisantes pour permettre à GFAJ-1 de se développer, avançant alors l'hypothèse de la substitution par l'arsenic très abondant dans l'environnement où vivent ces micro-organismes.

«Le processus scientifique est par essence auto-correcteur alors que les chercheurs essayent de reproduire des résultats de recherches qui sont publiés», fait valoir la revue Science.