Doublé historique: une fusée russe Soyouz a mis vendredi en orbite les deux premiers satellites de Galileo, projet européen concurrent du GPS américain, après avoir effectué son vol inaugural depuis le Centre spatial guyanais (CSG).

«Bravo l'Europe, bravo la Russie, bravo la coopération! Je pense qu'on peut dire qu'on vient d'ouvrir un nouveau chapitre de notre histoire», a déclaré, visiblement très ému, Jean-Yves Le Gall, PDG d'Arianespace, quelques minutes après la mise sur orbite des deux satellites.

Financé à 100% par la Commission européenne et mis en oeuvre par l'Agence spatiale européenne (ESA), Galileo assure pouvoir fournir une meilleure couverture et une meilleure précision que ses concurrents (GPS américain et GLONASS russe).

Alors que le GPS dispose de 24 satellites (dont trois de secours) à 20 200 km d'altitude, Galileo prévoit d'en aligner 30 (dont trois de secours également) à 23 222 km.

Malgré la pluie s'abattant sur son pas de tir de Sinnamary, commune voisine de Kourou, le mythique lanceur russe avait décollé comme prévu à 7h30 heure locale (12h30 heure de Paris), ses puissants moteurs embrasant les nuages bas sous les applaudissements des dizaines de journalistes, européens et russes, et employés du CSG venus assister à cet événement.

Environ deux minutes plus tard, la fusée s'est séparée des quatre propulseurs qui constituent son premier étage, poursuivant sa course vers l'espace.

Moins de dix minutes après le décollage, le troisième étage du lanceur s'est décroché de l'étage supérieur «Fregat» qui renferme les deux satellites Galileo. Fregat a alors allumé son propre moteur, survolant l'Asie et l'océan Indien pour venir placer les satellites sur leur orbite définitive, au sud de l'Australie.

«comme une montre suisse»

Peu après 11h20 heure guyanaise (16h20 heure de Paris), une nouvelle salve d'applaudissements et de cris de joie en une multitude de langues européennes ont salué la réussite parfaite de l'opération au centre de contrôle du CSG.

Au total, cette mission de Soyouz, prévue initialement jeudi, mais reportée de 24 heures en raison d'une vanne défectueuse, aura duré 3 heures et 50 minutes.

«Tout a fonctionné comme une montre suisse», s'est félicité le vice-premier ministre russe, Sergueï Ivanov, venu spécialement assister à ce doublé historique aux côtés de Laurent Wauquiez, ministre français de la Recherche.

Lancer d'un seul coup les deux premiers satellites opérationnels Galileo, d'un poids de 700 kg chacun, avec une fusée Soyouz depuis ses bases habituelles de Plessetsk (Russie) ou Baïkonour (Kazakhstan) aurait été impossible.

Pour son 1777e tir, le lanceur russe a en effet bénéficié en Guyane française, d'un coup de pouce supplémentaire que lui fournit la rotation de la Terre, beaucoup plus importante à proximité de l'Équateur. Cet «effet de fronde» permet d'augmenter considérablement sa charge utile.

Afin de tirer tout le bénéfice de l'expérience et de la fiabilité éprouvée du lanceur russe, Soyouz («Union» en russe) est opéré au CSG avec le minimum de modifications possible par rapport à sa configuration d'origine.

Le Centre national d'études spatiales (CNES) français et l'agence spatiale européenne (ESA) lui ont donc bâti un site «sur mesure» à Sinnamary, à 13 km des ensembles de lancement d'Ariane 5.

«C'est la rencontre de deux mondes, de deux cultures, d'intérêts parfois divergents, mais que nous avons su faire converger», s'est réjoui M. Le Gall, rappelant le carnet de commandes déjà bien rempli de Soyouz en Guyane française.