La Russie a décidé jeudi de suspendre les lancements de fusées Soyouz au lendemain de l'accident d'un vaisseau cargo qui s'ajoute à une série d'incidents récents, conséquence du manque de personnel qualifié dans l'industrie spatiale russe, selon des experts.

«Il a été décidé de suspendre le lancement des fusées Soyouz jusqu'à ce que les causes de l'accident soient établies», a déclaré un responsable spatial russe sous couvert d'anonymat à l'agence Interfax.

Dans la soirée, le commandant des forces spatiales russes, le général Oleg Ostapenko, a annoncé que le lancement d'un Soyouz-2 prévu cette semaine avec un satellite du système de navigation Glonass -- équivalent russe du GPS américain -- avait été reporté à la mi-septembre.

Mercredi, le vaisseau cargo russe Progress M12-M transportant plusieurs tonnes de matériel et de nourriture à destination de l'ISS s'est écrasé 325 secondes après son décollage du cosmodrome de Baïkonour (Kazakhstan), à la suite d'une défaillance de moteurs, selon l'Agence spatiale russe (Roskosmos).

Les débris sont tombés dans une zone non peuplée dans la région russe de l'Altaï, située à la frontière de la Chine, de la Mongolie et du Kazakhstan.

La décision de suspendre temporairement les lancements de Soyouz intervient à un moment où la Russie occupe une place cruciale dans l'espace, notamment vis-à-vis des États-Unis. Après le lancement en juillet de la dernière navette américaine, la Nasa dépend désormais des vaisseaux russes pour le transport d'astronautes jusqu'à l'apparition d'un nouveau vaisseau américain au plus tôt en 2015.

Le chef de Roskosmos, Vladimir Popovkine, a convoqué dans la nuit de mercredi à jeudi une réunion d'urgence pour étudier les possibilités d'approvisionnement de l'ISS, où se trouvent six spationautes.

De son côté, le premier ministre russe, Vladimir Poutine, a «donné pour instruction à Roskosmos de changer radicalement le contrôle de qualité et le système d'inspection pour la production d'engins spatiaux», a déclaré à l'AFP son porte-parole, Dmitri Peskov.

La perte du Progress M12-M est le quatrième échec de lancement de satellite ou de capsule spatiale par la Russie depuis décembre dernier. Mais il s'agit surtout du premier problème survenu sur un Progress depuis la mise en service de ce vaisseau en 1978, du temps de l'Union soviétique, observe l'expert russe Igor Lissov, interrogé par l'AFP.

À ses yeux, l'accident du Progress M12-M est dû «soit à un défaut de fabrication, soit à une négligence».

Mais la récente série d'accidents de vaisseaux spatiaux russes est «un signal d'alarme» et révèle une «crise profonde» au sein du secteur spatial délaissé par l'État et dont le personnel est mal rémunéré, estime M. Lissov.

Pour sa part, l'expert Konstantin Kreïdenko attribue ces échecs à des «erreurs systémiques» dues à l'absence de politique de gestion et de formation des ingénieurs et spécialistes à Roskomos, qui manque de personnel expérimenté.

«Le pays est confronté au problème des cadres de 30-40 ans qui ont abandonné le secteur des sciences dans les années 1990», à une époque où l'industrie spatiale manquait cruellement de moyens financiers, a déclaré M. Kreïdenko à l'AFP.

Les prochains lancements de Soyouz - fer de lance de l'industrie spatiale russe - sont prévus le 22 septembre (vol habité) et le 28 octobre (cargo), mais ils ont été retirés du site internet de Roskosmos.

Le premier décollage d'une fusée Soyouz depuis Kourou, lui, reste prévu le 20 octobre en Guyane française, pour lancer des satellites Galileo, a déclaré jeudi le PDG d'Arianespace, Jean-Yves Le Gall, soulignant que le lanceur était différent du modèle russe qui s'est écrasé mercredi.