Julie Payette est revenue saine et sauve sur Terre à 10h48, hier matin, à bord de la navette spatiale Endeavour.

«C'était une mission extraordinaire», a déclaré Julie Payette en conférence de presse quatre heures après son retour sur le plancher des vaches. «J'ai vu la Station spatiale voilà 10 ans quand elle comportait seulement deux modules et que tout restait à construire.» Lors d'une cérémonie en matinée au quartier général de l'Agence spatiale canadienne à Saint-Hubert, à laquelle ont assisté une centaine d'employés, le président de l'Agence, Steve MacLean, s'est montré ému. «J'avais l'impression de revivre l'atterrissage», a dit M. MacLean, lui-même un ancien astronaute. «C'est incroyable de sortir sur la piste sous la navette, a dit M. MacLean. On sent la chaleur. Les bords des ailes atteignent 3000 degrés au moment de la rentrée, et certaines portions du revêtement thermoprotecteur se liquéfient.»

Des techniciens ont mesuré l'alignement du train avant de la navette avec le centre de la piste. «Il y a une concurrence entre les pilotes, dit M. MacLean. Si les deux roues arrière touchent la piste en même temps, ils ont des points. Si le nez fait sa rotation vers le bas sans hésitation, il y a d'autres points. Mais le plus important est d'avoir la fusée en plein centre de la piste.» Le pilote Mark Polansky - «un commandant exceptionnel», selon M. MacLean - a posé sur la piste sa roue gauche quelques secondes avant la roue droite.

Le médecin de l'astronaute québécoise, Jean-Marc Comtois, qui est revenu jeudi de Houston, a indiqué que l'équipage n'avait connu aucun problème médical durant la mission de 16 jours. «J'ai parlé à Julie à quelques reprises et nous avons seulement discuté de questions sociales ou reliées à la mission», a dit le Dr Comtois.

La navette mise au rencart

Julie Payette était vraisemblablement la dernière astronaute canadienne à voler sur une navette spatiale. Il ne reste plus que sept vols avant la mise à la retraite des trois dernières navettes, prévue pour la fin de 2010.

Le problème, c'est que le successeur de la navette, le projet Constellation, ne sera pas prêt avant 2014 au plus tôt - des rapports ont avancé que le premier vol n'aura lieu qu'en 2016. Cela oblige tous les astronautes qui se rendent sur la Station spatiale à utiliser une capsule Soyouz.

Certains commentateurs ont avancé que la Russie pourrait augmenter unilatéralement ses tarifs après la retraite de la navette. Qu'en pense M. MacLean? «On va voir», a-t-il répondu après avoir ri quelques secondes. La Chine, qui a envoyé son premier taïkonaute en orbite en 2003 et utilise une copie de Soyouz, pourrait théoriquement faire des voyages vers la Station.

La mise à la retraite de la navette spatiale à la fin de 2010 est-elle une erreur? «J'ai mon opinion personnelle, qui n'est pas la même que mon avis en tant que président de l'Agence», a dit M. MacLean, qui collabore à la commission Augustine, chargée par le président Barack Obama de faire le point sur Constellation. «La navette a des erreurs de conception, par exemple le fait qu'elle soit installée au milieu des fusées au décollage. Ça pose des problèmes avec les morceaux d'isolant. Mais la chose la plus importante, et c'est très dangereux pour moi de dire ça, c'est que si on n'utilise pas les ailes, on ne repousse pas les limites de la technologie. Quand on pense au programme, l'idée d'utiliser un véhicule comme Apollo est peut-être plus rentable. On peut aller plus tôt sur la Lune et sur Mars. C'est peut-être plus sécuritaire.»

Le secteur privé, qui travaille à plusieurs projets de vols spatiaux habités, pourrait être mis à contribution, selon le président de l'Agence. «Mais c'est à long terme», a-t-il dit. La compagnie américaine SpaceX, qui vient de commencer à lancer des satellites avec une fusée Falcon qu'elle a mise au point, est une candidate.

L'Agence spatiale européenne fait actuellement des tests avec un «véhicule automatisé de transfert» qui pourrait plus tard transporter des astronautes. «Ils ont fait le premier de cinq essais et ça s'est bien passé, a dit M. MacLean. Les plans prévoient que le cinquième essai sera pressurisé.» L'Europe a travaillé pendant une douzaine d'années à une petite navette de transport des astronautes, «un très bon concept parce qu'elle était située au sommet d'une fusée», selon M. MacLean, mais le projet a été abandonné à cause des coûts.