L'Inde a lancé avec succès mercredi sa première mission inhabitée vers la Lune, un événement historique grâce auquel cette grande puissance spatiale asiatique espère se hisser au niveau de la Chine et du Japon.

La fusée indienne PSLV a décollé sans encombre à 20h52, avec à son bord l'engin spatial Chandrayaan-1 depuis le centre spatial Satish Dhawan à Sriharikota, une péninsule du sud-est de l'Inde à 90 km au nord de Madras.

«C'est un moment historique. Nous avons commencé notre voyage vers le Lune», a exulté le président de l'Organisation indienne de recherche spatiale (ISRO), G. Madhavan Nair, sous les applaudissements des ingénieurs.

Cette mission inédite vers la Lune va se dérouler en plusieurs étapes et devrait durer deux ans. Vingt minutes après son décollage, la fusée PSLV a placé Chandrayaan-1 en orbite transitoire autour de la Terre. Dans deux semaines, l'engin spatial, qui transporte des instruments scientifiques indiens, européens et américains, devrait atteindre son orbite autour de la Lune à 385 000 km de la Terre.

Chandrayaan-1 effectuera une série d'expériences et d'observations autour de et sur la Lune pendant deux années, comme des étude topographiques, la recherche d'eau, de minéraux et de substances chimiques, notamment grâce à l'alunissage d'une sonde peinte aux couleurs de l'Inde.

Le géant asiatique - un acteur régional aux ambitions de superpuissance - veut prouver ainsi qu'il est devenu leader dans les technologies spatiales face à la concurrence de la Chine et le Japon.

Mais le rival chinois dispose en la matière d'une colossale longueur d'avance en ayant réussi en septembre à faire sortir un Homme dans l'espace et en réaffirmant son ambition d'effectuer un vol habité vers la Lune.

Après les alunissages de vaisseaux habités entre 1969 et 1972 dans le cadre du programme américain Apollo, les grandes puissances d'Asie --Japon, Chine et Inde-- se livrent une course à la conquête de la Lune dont ils veulent faire une plate-forme d'exploration de l'espace et de Mars.

Outre l'envoi d'une mission lunaire habitée, la Chine veut construire un laboratoire dans l'espace, concurrent de la Station spatiale internationale (ISS). Le Japon a lancé une sonde vers la Lune fin 2007 et veut y envoyer un astronaute d'ici à 2020.

Quant à l'Inde, elle a prévu 60 vols spatiaux d'ici à 2013, y compris vers la Lune et vers Mars. Chandrayaan-1, d'un budget de 80 millions de dollars, sera répété en 2010 ou 2012, selon l'agence spatiale nationale qui rêve d'envoyer un Indien dans l'espace. Pour préparer ce vol habité, New Delhi était parvenue en 2007 à récupérer sur Terre une capsule lancée dans l'espace.

Ce nouveau poids-lourd économique veut aussi se faire une place dans le petit club des pays lanceurs de satellites commerciaux. Les Etats-Unis, la Russie, la Chine, l'Ukraine et l'Agence spatiale européenne se partagent ce marché de 145 milliards de dollars sur les dix ans à venir, selon le cabinet Euroconsult.

En avril, l'Inde avait réussi l'exploit mondial de placer sur orbite - en même temps et avec un seul lanceur - dix satellites, dont huit étrangers. Le géant d'Asie du Sud facture ses lancements 35% moins cher que d'autres agences spatiales internationales.

Le programme spatial de cette puissance atomique militaire a démarré en 1963 mais était jusqu'à récemment réservé aux lancements de ses propres satellites, dont le premier remonte à 1980. L'Inde n'hésite plus aussi à offrir ses services dans l'espace pour la sécurité régionale: l'ISRO avait lancé en janvier un satellite espion israélien censé surveiller les installations nucléaires de l'Iran, provoquant la colère de Téhéran.