L'Agence spatiale canadienne doit devenir plus efficace et améliorer ses prévisions des coûts de ses grands projets, a affirmé hier son nouveau président, l'astronaute Steve MacLean.

«Parfois nous avons bien évalué les coûts, mais il y a eu des projets qui ont coûté deux fois plus que prévu, parce que nous avons ajouté après un an des équipements très importants», a expliqué M. MacLean, en entrevue avec La Presse après sa conférence de presse inaugurale à Saint-Hubert. «Si on veut convaincre le gouvernement de financer des grands projets, il faut montrer qu'on est efficace.» Il a par contre refusé de nommer des projets ayant dépassé leur budget initial.

L'astronaute de 53 ans, le quatrième président de l'Agence en trois ans, veut faire bouger son budget, inchangé à 300 millions depuis 2001. Pour ce faire, il veut porter une attention particulière aux retombées économiques des activités de l'Agence. Mardi, il a entamé son mandat par une table ronde avec des représentants des 10 entreprises les plus importantes du domaine au Canada. « Nous allons faire un plan à long terme de 10 ans, et le valider avec les entreprises canadiennes. Il faut maximiser les impacts économiques de ce que nous faisons. »

M. MacLean est le deuxième astronaute, après Marc Garneau, à diriger l'Agence. Pense-t-il qu'un astronaute est un meilleur président qu'un homme d'affaires ou un fonctionnaire de carrière ? «J'ai une expérience d'affaires, répond-il. J'ai travaillé pour une PME qui faisait des lasers avant d'être astronaute. Et à la NASA, j'ai eu des responsabilités de gestionnaire senior.» Au départ, il était physicien.

A-t-il hésité avant d'accepter le poste? «Mon but a toujours été d'aider le programme spatial canadien. Cet été, j'en suis venu à la conclusion que c'était la meilleure manière de le faire.»

L'un des projets les plus délicats qui s'annoncent est le remplacement de la navette spatiale, où voyagent habituellement les astronautes canadiens. La navette doit prendre sa retraite en 2010, mais son successeur ne sera pas prêt avant 2014. L'Agence a renforcé ces derniers temps les liens avec l'agence spatiale russe, pour pouvoir utiliser les capsules Soyouz. Mais au vu de la confrontation entre la Russie et l'Occident autour de la Géorgie, certains analystes américains ont avancé que la NASA pourrait avoir de la difficulté à convaincre le Congrès de payer des centaines de millions de dollars à la Russie pour emprunter les Soyouz entre 2010 et 2014. Les astronautes canadiens pourraient-ils eux aussi se retrouver en panne si l'accès aux Soyouz leur est refusé par le gouvernement canadien?

«Je préfère ne pas faire de commentaire, dit M. MacLean. Tout ce que je peux vous dire, c'est que je suis sûr que la NASA fera tout pour réduire au minimum l'intervalle entre la retraite de la navette et l'entrée en service de son successeur.»

M. MacLean devra aussi faire des représentations dans le dossier d'ITAR, le programme américain de contrôle des exportations militaires, qui entrave gravement les collaborations avec les États-Unis dans le domaine spatial. Selon l'hebdomadaire britannique The Economist, Télésat a choisi des fabricants européens de satellites à cause d'ITAR, et le nombre de partenariats spatiaux canado-américains a chuté depuis 1999, l'année où le département d'État américain a pris le contrôle d'ITAR, auparavant dirigé avec plus de souplesse par le département du Commerce.

«ITAR est un programme nécessaire, a répondu M. MacLean. Il faut trouver une manière de le rendre moins contraignant tout en respectant son esprit. Pour ce qui est des partenariats canado-américains, j'ignore si cette statistique est vraie, il faudra que j'en parle à l'industrie.»