Les gens font moins confiance aux personnes qui ont un accent lorsqu'elles parlent leur langue, selon une nouvelle étude de l'Université McGill. Mais tout n'est pas perdu : en s'efforçant d'être confiant, on peut contrer ce préjugé.

DOUTES ET CONFIANCE

L'étude du linguiste Marc Pell, de l'Université McGill, comportait des Canadiens anglophones qui habitaient Montréal depuis au moins quelques années et qui écoutaient des enregistrements de trois groupes d'anglophones : des Québécois de langue maternelle française, d'autres Canadiens anglais ainsi que des Australiens. Lors des enregistrements, les cobayes devaient parler d'un ton confiant, neutre ou empreint de doute. « Quand ils entendaient des enregistrements neutres, les participants avaient tendance à faire davantage confiance aux Canadiens anglais qu'aux francophones ou aux Australiens », explique M. Pell, dont l'étude est publiée dans la revue NeuroImage. « Ils identifiaient aussi mieux les Canadiens anglais qui tentaient d'avoir l'air confiants ou dubitatifs. Ça les amenait à avoir moins confiance aux Canadiens anglais ayant un ton confiant, probablement parce qu'ils décelaient une fausse confiance, un effort pour convaincre. » Il n'y avait pas de différence entre le niveau de confiance accordé aux Québécois francophones et aux Australiens. Les phrases lues étaient neutres, du genre « je pense qu'on peut faire confiance à cette personne » - il n'était pas possible de déterminer si elles étaient vraies seulement avec les mots.

100 MILLISECONDES

Les cobayes qui écoutaient les enregistrements identifiaient l'accent différent des Canadiens anglais en 100 millisecondes, a observé M. Pell avec de l'imagerie du cerveau. « L'étude des jugements sociaux, comment on décide de faire confiance ou non à quelqu'un, a jusqu'à maintenant porté surtout sur les expressions faciales. Je pense que l'étude des accents dans le langage est très prometteuse à ce sujet. Il y a un préjugé négatif envers les gens qui ont un accent différent, qui force ensuite les gens à se concentrer davantage sur ce que la personne dit et sa tonalité pour juger de sa crédibilité. » Par ailleurs, les cobayes attribuaient spontanément un niveau socioéconomique plus bas aux francophones et aux Australiens, mais les jugeaient plus sympathiques et éduqués que les Canadiens anglais.

DES REMÈDES

Quelle leçon les francophones doivent-ils tirer de cette étude ? « Pour avoir l'air crédible, il faut exagérer le ton confiant, parler plus fort, sans pause, avec une voix plus basse, dit M. Pell. Cet excès de confiance passera mieux que si c'est un anglophone né dans la région où on se trouve qui en fait preuve. »

PRÉJUGÉ POSITIF

Les préjugés envers les accents ne sont pas toujours négatifs. « Les Britanniques, ceux qui parlent comme la reine, sont souvent jugés spontanément positivement », dit M. Pell. Quelle est la prochaine étape dans ses recherches ? « Nous voulons étudier différemment les réactions dans le cerveau face aux accents, par exemple avec l'activité électrique. Nous planifions des jeux interactifs où il faudra faire ou non confiance aux autres participants. »