Calculer la dose d'un médicament à prendre. Choisir les meilleurs aliments pour la santé. Comprendre des débats comme ceux entourant les gaz de schiste, la qualité de l'eau, le réchauffement climatique. Divers indices montrent qu'environ la moitié des Québécois n'ont pas les compétences requises pour réaliser ces tâches correctement.

Selon Michèle Stanton-Jean, une femme au CV bien rempli aujourd'hui chercheuse invitée au Centre de recherche en droit public de l'Université de Montréal, il s'agit d'un enjeu auquel on peut et on doit s'attaquer.

« Le Québec et le Canada ne font pas si mauvaise figure en termes de littératie scientifique par rapport à d'autres pays. Mais il y a encore beaucoup de place à l'amélioration. Nous vivons dans une société où les problématiques sont très complexes et où les questions scientifiques sont de plus en plus présentes », souligne celle qui participe aujourd'hui à un panel sur la question.

Que faire pour aider les citoyens à acquérir les compétences scientifiques nécessaires ? Mme Stanton-Jean propose de se tourner... vers le sport national des Canadiens et des Québécois.

« S'il y a un domaine dans lequel les Québécois ont un haut niveau de littératie, c'est bien le hockey, lance-t-elle. Ils connaissent le sujet à fond, incluant les chiffres et les statistiques. Pourquoi ? Parce que les commentateurs de hockey connaissent leur affaire et sont capables de les vulgariser et les transmettre. Ça montre bien que le public n'est pas stupide. »

Mme Stanton-Jean invitera aujourd'hui les membres de l'Association des communicateurs scientifiques du Québec à trouver eux aussi des façons de rejoindre le grand public.

« Il faut trouver des façons d'expliquer les choses, et ça, c'est le rôle du communicateur scientifique, dit-elle. C'est un rôle de plus en plus complexe, et il n'y en a pas des tonnes qui le jouent aujourd'hui dans notre société. »

POSER DES QUESTIONS

Mme Stanton-Jean souligne que les problèmes de littératie engendrent souvent un cercle vicieux. Moins on en sait, moins on est porté à essayer de comprendre.

« La littératie, c'est aussi avoir les outils pour interroger, dit-elle. Moi, si je vais chez le médecin, je peux lui dire : je n'ai rien compris à ce que vous avez dit. Mais les gens qui n'ont pas confiance en eux n'oseront pas poser des questions. »

Et des questions, il faut sans cesse s'en poser dans la société d'aujourd'hui.

La chercheuse croit qu'une partie de la solution passe par un meilleur système d'éducation. Et elle invite également les scientifiques à s'engager dans les débats publics.

« Les chercheurs sont évalués sur leur enseignement et leur recherche, mais pas sur leur implication dans la communauté. Plusieurs le font très bien, d'autres moins. Or, il ne semble pas que c'est un devoir pour eux », dit-elle.

« Nos universités sont remplies d'experts dans tous les domaines, mais on les voit et on les entend peu, continue-t-elle. Quand on veut parler de hockey, on parle à des spécialistes, pas à des humoristes. Il faut faire la même chose en sciences. »

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DANS LE CV DE MICHÈLE STANTON-JEAN

• Chercheuse invitée au Centre de recherche en droit public de l'Université de Montréal.

• Présidente du Comité conjoint sur la conduite responsable en recherche des Fonds de recherche du Québec

• Représentante du Québec à l'UNESCO de 2011 à 2014

• Conseillère spéciale du ministre des Affaires étrangères du Canada en matière de santé et d'affaires sociales à Bruxelles au sein de la Délégation permanente du Canada à l'Union européenne de 1998 à 2000

• Sous-ministre de la santé du Canada de 1993 à 1998

• Présidente du Comité international de bioéthique de l'UNESCO (2002 à 2005)

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LES QUÉBÉCOIS PLUS FAIBLES QUE LES CANADIENS

Trois indices mesurés par l'OCDE permettent d'évaluer la capacité des Québécois à composer avec les enjeux scientifiques qui les entourent.

1. La littératie mesure la capacité de comprendre les textes écrits. C'est souvent la base pour comprendre les questions scientifiques. La note des Québécois : 269 sur 500, un peu sous la moyenne canadienne et celle de l'OCDE (274 points). Notons que les Canadiens et les Québécois présentent de grands écarts de performance (beaucoup de gens très forts et beaucoup de très faibles).

2. La numératie est la capacité de comprendre l'information mathématique. La note des Québécois : 265 sur 500, à peu près exactement sur la moyenne canadienne (266), mais inférieure à la moyenne de l'OCDE (269).

3. La « résolution de problèmes dans des environnements technologiques » mesure la capacité à utiliser la technologie pour obtenir et évaluer des informations, accomplir des tâches pratiques et communiquer avec d'autres. La note des Québécois : 32 % des Québécois atteignent les deux niveaux supérieurs (sur une échelle de trois), soit moins que la moyenne canadienne (37 %) et moins que celle de l'OCDE (34 %).

SOURCE : ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVELOPPEMENT (OCDE). CHIFFRES DE 2012.