Epargné de longue date par les séismes qui frappent régulièrement la Turquie, un petit segment de faille situé aux portes d'Istanbul, sous la mer de Marmara, expose la capitale turque à un tremblement de terre potentiellement dévastateur, avertit une étude publiée mardi.

La faille nord-anatolienne, la plus active d'Europe, a provoqué d'importants séismes tout au long du XXe siècle, à commencer par celui de Ganos (ouest de la Turquie) en 1912 et celui d'Erzincan (est de l'Anatolie) en 1939.

Les deux secousses les plus récentes sont survenues en 1999, près d'Izmit et Düzce, à l'est d'Istanbul. Toutes deux avaient une magnitude supérieure à 7 et ont fait de nombreuses victimes, quelque 20.000 morts au total dans le cas d'Izmit.

Depuis lors, l'activité sismique semble s'être accrue le long de la faille nord-anatolienne juste au sud d'Istanbul, sous la mer de Marmara.

Pourtant, cette zone d'environ 150 km de long est la seule à n'avoir pas été à l'origine d'un séisme significatif depuis le début du XXe siècle.

Les géologues ont malgré tout des indices suggérant que les tensions ne cessent de s'accumuler dans cette région.

Marco Bohnhoff, du centre allemand pour les Géosciences de Potsdam, et son équipe ont étudié l'activité sismique de cette zone, décortiquant les données récoltées sur 835 micro-séismes entre 2006 et 2010.

D'après leur analyse, un segment de la faille long de seulement 30 km, situé à une dizaine de kilomètres sous l'archipel des îles des Princes, servirait de point d'ancrage à toutes ces tensions telluriques. Et si ce verrou sautait brutalement, il pourrait provoquer un séisme d'une magnitude supérieure à 7 aux portes d'Istanbul, mégalopole d'environ 13 millions d'habitants.

«Le contraste entre l'activité sismique croissante enregistrée dans la partie orientale de la mer de Marmara depuis 2002 et le calme qui règne sous les îles des Princes, au large d'Istanbul, est frappant», souligne l'étude, publiée dans la revue britannique Nature Communications.

Selon les chercheurs, ce segment «pourrait avoir servi de barrière contre la rupture d'Izmit en 1999, empêchant le glissement de la faille de se poursuivre en direction d'Istanbul», un peu plus au nord.

Si c'est bien le cas, en bloquant et en concentrant les tensions sismiques, ce même segment «pourrait aussi être la source d'un futur séisme» frappant Istanbul, avertit l'étude, qui recommande de surveiller étroitement les micro-séismes sur cette portion de la faille pour donner l'alerte en cas de signes avant-coureurs.

Des relevés historiques font état d'importants séismes (magnitude supérieure à 7) dans la région d'Istanbul, les deux derniers en date ayant eu lieu en 1509 et 1766, ce qui aboutirait à une fréquence d'environ 200 à 250 ans.

Selon des estimations récentes, la probabilité qu'un tel séisme se reproduise d'ici 2034 est comprise entre 35 et 70%.