Les Canadiens reçoivent 74 % plus de prescriptions d'antibiotiques en un an que les Suédois. Soit 671,1 ordonnances pour 1000 habitants chez nous, contre 385,3 au pays de Millénium. « Ces bas taux de prescriptions sont le résultat d'efforts significatifs pris à plusieurs niveaux pour contrer le développement de l'antibiorésistance », a indiqué à La Presse Fredrik Hardt, attaché de presse du ministre de la Santé et des Affaires sociales de la Suède.

Pour ce peuple sérieux, c'est bien, mais ce n'est pas assez. D'autant que ces dernières années, la baisse des ordonnances d'antibiotiques a ralenti.

Pour accélérer la cadence, le gouvernement de la Suède a eu une idée originale : récompenser financièrement les régions qui atteignent un objectif prédéfini de diminution d'ordonnances. « Ces incitatifs financiers totalisent 100 millions de couronnes suédoises (environ 16 millions de dollars) en 2013 », précise M. Hardt. But national : que le nombre d'ordonnances chute à 250 par an pour 1000 habitants en 2014.

Élise Gautier, petite Québéco-Suédoise âgée de un an et demi, s'est récemment fait prescrire des antibiotiques pour soigner une otite. Mais cela, « seulement au bout de la troisième visite chez le docteur et d'une attaque de fièvre », témoigne Stéphane Gautier, son père, qui a émigré en Suède il y a 13 ans. Les ordonnances d'antibiotiques aux enfants de 0 à 4 ans ont enregistré une baisse spectaculaire de 11,1 % en Suède entre 2010 et 2011, selon le rapport le plus récent sur l'utilisation des antibiotiques et la résistance en médecine humaine (SWEDRES). Par contre, elles ont monté de 4,2 % en un an dans les hôpitaux.

La population appuie ces mesures : 78 % des Suédois sont prêts à se priver d'antibiotiques même s'ils risquent d'être malades quelques jours de plus, selon le sondage Health Barometer 2010.

Moins de bactéries résistantes

Il faut dire que ça porte ses fruits : les bactéries résistantes sont moins présentes en Suède qu'ailleurs. « De manière générale, des taux de résistance inférieurs sont déclarés dans le nord (de l'Europe) et des taux supérieurs dans le sud (de l'Europe) », lit-on dans le plus récent rapport Surveillance de la résistance aux antimicrobiens en Europe du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), basé à Stockholm. C'est notamment le cas pour la résistance d'E.coli, de K. pneumoniae, de P. aeruginosa et du SARM résistant aux fluoroquinolones.

« Les pays scandinaves et les Pays-Bas se sont dits : il faut faire attention à utiliser prudemment les antibiotiques que nous avons, indique Dominique Monnet, chef du programme de résistance antimicrobienne de l'ECDC. Et il faut contrôler la transmission croisée et l'hygiène de façon plus stricte dans les hôpitaux. »

« La Suède est très proactive dans la gestion des bactéries résistantes », confirme Mireille Gagnon. Externe en médecine à l'Université Laval, la jeune femme a fait l'été dernier un stage à l'hôpital de Lund, en Suède. Avant même d'y être admise, elle a dû passer un test assurant qu'elle n'était pas porteuse du SARM. Elle n'a jamais eu à passer ce test au Québec.

Dès qu'un patient est porteur d'une bactérie résistante, la Suède innove en envoyant des infirmières « faire des prélèvements chez tous les membres de sa famille proche », ajoute Mme Gagnon. « Les artisans du système de santé suédois n'ont pas baissé les bras devant le phénomène de l'antibiorésistance », souligne-t-elle.

« Comparez-vous à l'Europe du Nord »

Cela ne protège pas de tout. Fin février, le quotidien Svenska Dagbladet a révélé l'explosion en Suède du nombre de cas d'infection par les dangereuses superbactéries productrices de bêta-lactamase à spectre étendu, comme le NDM-1. Il est passé de 1 à 22 entre 2007 et 2012, ce qui reste peu. « Leur nombre monte tous les mois, dit Henrik Ennart, le journaliste qui a sorti la nouvelle. C'est un problème mondial, qui nous arrive un peu plus tard qu'ailleurs, mais qui touche aussi la Suède. »

Le Canada aurait avantage à s'inspirer de la lutte scandinave à l'antibiorésistance, selon M. Monnet. « Comparez-vous à l'Europe du Nord », conseille-t-il. Pas aux États-Unis.