Et si notre main n'avait pas seulement évolué pour nous rendre plus habiles, mais aussi pour nous permettre de mieux donner des coups de poing ? C'est l'hypothèse qu'ont voulu vérifier des chercheurs, intrigués par la structure de la main humaine, unique chez les primates.

Par comparaison avec les grands singes, l'être humain possède une paume et des doigts courts, mais aussi des pouces longs, forts et mobiles. Ces proportions si particulières permettent les deux types de prise caractéristiques de notre espèce, la «prise de précision», manipulation fine d'objets par le bout des doigts uniquement, et la «prise forte» dans laquelle l'objet est fermement enroulé dans notre main.

Traditionnellement, biologistes et anthropologues considèrent que la manipulation a joué un rôle crucial dans l'évolution de l'espèce humaine, lui conférant un avantage exceptionnel sur toutes les autres espèces : l'utilisation et surtout la fabrication d'outils.

A l'inverse, les longues mains des autres primates seraient adaptées à une vie dans les arbres et à la locomotion sur des branches de grand diamètre.

Une autre théorie plus récente suggère que la main de l'homme a évolué parallèlement à son pied lorsqu'il a adopté la marche bipède, mains et pieds se développant suivant des processus similaires.

Michael Morgan et David Carrier, chercheurs à l'Université d'Utah (États-Unis), ont voulu explorer une troisième piste.

Respectivement médecin et biologiste, les deux chercheurs ont en effet constaté que les proportions et la mécanique de la main humaine en faisaient la structure idéale pour donner des coups de poing : les phalanges repliées s'imbriquent parfaitement entre la paume et le pouce. Cela renforce le poing et rend la main plus résistante aux chocs, en répartissant l'énergie jusqu'au poignet pour protéger os et articulations.

Les chercheurs ont donc procédé à diverses expériences pour tester leur idée sur des volontaires, auxquels ils ont demandé de frapper dans des sacs de sable poing fermé et paume ouverte de différentes façons.

Première surprise. «Contrairement à nos attentes, frapper avec le poing fermé ne semble pas conférer un avantage significatif» en termes de force, écrivent-ils dans leur étude, publiée par la revue Journal of Experimental Biology.

Mais la surface de frappe d'un poing fermé ne représente même pas le tiers de celle de la main et seulement 60% environ de celle de la paume. Cela signifie qu'à puissance égale, la force d'impact d'un poing est bien supérieure et a plus de chances de provoquer une blessure, relèvent-ils.

Le principal avantage de la structure de la main humaine, c'est bien la résistance mécanique offerte par le poing fermé, confirme l'étude.

Si les humains avaient la même main que les chimpanzés, le bout des doigts pourrait certes s'appuyer sur la paume lorsque le poing est fermé. Mais les doigts repliés sur eux-mêmes garderaient alors un interstice préjudiciable à la solidité de l'ensemble.

«En partant de la main de notre ancêtre arboricole, on peut certes imaginer diverses transformations évolutives qui auraient abouti à une structure en forme de massue adaptée au combat. De la même façon, différentes proportions de la main seraient compatibles avec une grande dextérité manuelle», reconnaît l'étude.

Mais il n'existerait finalement qu'une seule structure correctement dimensionnée pour assurer simultanément ces deux fonctions cruciales : la main de l'Homo sapiens, concluent les auteurs.