Chez certaines espèces de serpents, les femelles peuvent se reproduire avec un mâle, ou sans. Et cette faculté de faire des bébés toutes seules n'est pas limitée à de rares cas observés en captivité, elle se manifeste aussi à l'état sauvage, assurent des chercheurs américains.

Le phénomène de «parthénogenèse», par lequel un oeuf non fécondé donne naissance à un ou plusieurs individus, est bien connu des biologistes chez de nombreuses espèces animales, en particulier les insectes.

Les abeilles sont un exemple classique: les oeufs fécondés produisent des femelles, ouvrières ou exceptionnellement reines, tandis que les mâles proviennent d'oeufs non fécondés.

Cette reproduction asexuée est beaucoup plus rarement observée chez les vertébrés, mais elle a tout de même été recensée chez plusieurs dizaines de reptiles, d'amphibiens et de poissons. Pour une bonne raison: ces espèces sont «unisexe» et n'ont pas d'autre choix pour assurer leur descendance que de recourir à cette «parthénogenèse obligatoire». C'est notamment le cas d'une quinzaine d'espèces de lézards «à queue de fouet» (genre Cnemidophorus) du continent américain, dont tous les individus sans exception sont femelles.

Plus étonnant, les chercheurs se sont aperçus que de nombreuses espèces de vertébrés comptant des mâles et des femelles parfaitement capables de s'accoupler pouvaient aussi occasionnellement se reproduire de manière asexuée.

Facultatif

Ces cas de «parthénogenèse facultative» ont été observés et décrits dès le début du XIXe siècle chez des poulets domestiques, puis dans des élevages de dindes. Certains oeufs non fécondés y produisaient malgré tout des poussins, tous de sexe mâle.

On pensait toutefois cette bizarrerie limitée aux seuls oiseaux domestiqués.

Jusqu'à ce qu'on découvre que divers serpents, lézards (dont le célèbre dragon de Komodo) et requins y avaient également recours.

Mais comme dans tous ces cas documentés, les femelles avaient depuis longtemps été capturées ou étaient nées en captivité, les scientifiques pensaient que la parthénogenèse facultative était un syndrome ne touchant que les animaux isolés et privés de partenaire potentiel.

Grâce à des analyses génétiques, des biologistes américains affirment avoir découvert à l'état sauvage le même type de reproduction chez deux espèces de serpents de la famille des vipères, le mocassin à tête cuivrée (Agkistrodon contortrix) et le mocassin d'eau (Agkistrodon piscivorus).

La comparaison de l'ADN de la maman serpent et de ses rejetons, tous mâles, a démontré l'absence d'une quelconque contribution génétique paternelle.

«Nous sommes persuadés que notre découverte constitue le premier cas de parthénogenèse facultative chez des vertébrés sauvages», soulignent Warren Booth, de l'Université d'État de Caroline du Nord, et son équipe.

Reste à savoir pourquoi un tel phénomène survient alors que les partenaires mâles abondent chez ces deux espèces de serpents, ce qui nécessitera d'autres études, estiment les auteurs.

Mais selon eux, cette forme de reproduction asexuée semble beaucoup plus répandue que prévu chez les reptiles à écailles (serpents, lézards, iguanes, caméléons, etc.) et «ne peut désormais plus être considérée comme une bizarrerie rare et marginale dans l'évolution des vertébrés».