L'extraordinaire pouvoir adhésif des moules, capables de rester obstinément collées à un rocher dans l'eau salée, provient d'un cocktail de protéines qu'elles sécrètent, révèle une étude publiée dimanche.

De précédentes recherches avaient déjà montré que les moules et autres mollusques produisaient de la «dopa», une substance capable d'adhérer à de nombreuses surfaces avec des performances supérieures à toutes les colles de fabrication humaine.

Mais la «dopa» a une fâcheuse tendance, qui paraît incompatible avec ce qu'en attend une moule: elle se dégrade rapidement au contact de l'oxygène dissous dans l'eau et perd au moins 80% de son pouvoir adhésif.

Des chimistes de l'Université de Californie à Santa Barbara (USA) ont donc analysé le cocktail de protéines (une dizaine) sécrétées par le pied de la moule pour tenter de comprendre quelles interactions chimiques le coquillage mettait en oeuvre pour s'accrocher si fermement et si rapidement.

Leurs observations sur la moule de Californie (Mytilus californianus) ont confirmé que le mollusque produisait en quelques minutes des protéines très riches en «dopa», en particulier l'une d'entre elles baptisée mfp-3. Et étant donné le taux d'oxygène dans l'eau de mer et le faible taux d'acidité de celle-ci (pH de 8 environ), les filaments collants qui en résultaient n'auraient pas dû tenir très longtemps.

Mais ils se sont aperçus que le pied de la moule sécrétait ensuite une protéine voisine, la mfp-6, au pouvoir adhésif bien plus faible car pauvre en «dopa» mais riche en d'autres substances, les «thiols».

Les analyses, publiées dimanche dans la revue scientifique Nature Chemical Biology, ont démontré que c'est l'association de ces deux protéines qui aboutit à un tel pouvoir d'adhésion: les thiols contenus dans la mfp-6 agiraient comme un anti-oxydant sur la mfp-3, empêchant la «dopa» de se dégrader et lui conservant donc ses qualités de colle extra-forte.

En outre, les chimistes ont découvert que l'acidité augmentait fortement sous le pied de la moule deux minutes après qu'il ait commencé à produire ses protéines adhésives. L'acidité optimiserait en effet les propriétés adhésives de la combinaison entre mfp-3 et mfp-6, selon l'étude.

Comprendre la composition des substances collantes produites par les moules et autres organismes marins est un enjeu-clef pour le développement de nouveaux adhésifs synthétiques et de nouveaux matériaux. Il permettrait également de concevoir des traitements appropriés pour éviter que les coquillages ne s'accumulent sur les coques des bateaux.