Les plus hautes températures jamais produites dans une expérience scientifique : c'est le sommet qu'a atteint le 7 novembre le LHC, ce méga-accélérateur de particules en Suisse. Au point où ses communiqués en ont parlé comme d'un branle-bas de « mini big bangs ».



Pour les intimes, on parle plutôt d'un plasma quark-gluon : c'est-à-dire d'abord une boule de feu - plusieurs fois plus petite que l'atome - de 10 000 milliards de degrés Celsius. C'est près d'un million de fois plus chaud que le centre du Soleil. À une telle température et avec pareille concentration d'énergie, le noyau de l'atome fond littéralement - pour devenir une soupe de ses constituants, quarks et gluons.

Le plasma quark-gluon n'existait pas seulement dans les équations des physiciens. Il était déjà apparu dans les expériences du concurrent américain du LHC (Large Hadron Collider), le RHIC (Relativistic Heavy Ion Collider), lequel n'était toutefois monté « que » jusqu'à 4000 milliards de degrés. La formation de ce plasma est la confirmation d'une théorie-clef de la physique quantique, qui prévoit que plus nous remontons loin dans le temps - en d'autres termes, plus nous nous approchons du Big Bang - plus les liens qui maintiennent les particules les plus élémentaires tombent les uns après les autres.

Et quand on veut dire « remonter dans le temps », on parle de micro-fractions de seconde. Avec ce plasma quark-gluon, les physiciens reproduisent à présent les conditions qui régnaient un millionième de seconde après le Big Bang. Quelle est l'étape suivante?

Eh bien, le LHC avait progressivement pénétré, ces derniers mois, un territoire inconnu, presque non balisé par les précédents accélérateurs de particules. En battant ce record, il confirme avoir bel et bien commencé l'exploration d'un nouvel état de la matière - ce fameux plasma quark-gluon - ou du moins d'un état de la matière qui n'existait plus depuis le premier millionième de seconde de notre univers. Et ce record, on le doit au fait que les gigantesques appareils du projet ALICE lancent depuis le 4 novembre les uns contre les autres - et continueront pendant un mois - à des vitesses proches de la lumière, des noyaux de plomb, plutôt que de « simples » protons. Le plomb compte 82 protons : ça fesse plus fort.

L'énergie colossale dégagée par chacune de ces collisions pourrait permettre d'entrevoir...

...mais entrevoir quoi au juste? Tout dépendant du scientifique à qui vous le demandez, il sera question de la force nucléaire forte, de la théorie des supercordes ou du mythique boson de Higgs. Qui pourraient être des variantes de la même réponse, une réponse aussi obscure que le territoire sur lequel ces noyaux de plomb ouvrent peut-être la porte.