Les hommes préhistoriques du Sud de l'Afrique maîtrisaient des techniques sophistiquées de travail de la pierre avec le feu il y a au moins 75 000 ans, soit plus de 50 000 ans avant les solutréens en France et en Espagne, selon des travaux publiés jeudi.

Cette découverte dans la grotte de Blombos en Afrique du Sud repousse d'au moins 50 000 ans la maîtrise de cette technique consistant à chauffer notamment de la silcrète, un matériau dur formé de quartz cimentés par de la silice, pour en modifier la structure afin de mieux la façonner.

Ces pierres étaient ensuite délicatement travaillées et affûtées en exerçant de fortes pressions à l'aide de marteaux de bois ou d'os sur les bords pour détacher des éclats, mais pas en les percutant.

Cette technique dite de «la retouche couvrante par pression» permettait une plus grande précision et une meilleure finesse du résultat.

Ces chercheurs ont analysé 159 pointes et fragments de silcrète ainsi que 179 autres morceaux retravaillés. Ils ont aussi examiné plus de 700 éclats de pierre ayant résulté du travail d'affûtage.

«Cette technique est la plus efficace pour maîtriser le tranchant, l'épaisseur et la forme d'un outil bifacial comme les pointes de lances et les couteaux de pierre», explique Paola Villa, conservatrice du musée d'histoire naturelle de l'Université du Colorado (ouest des Etats-Unis), co-auteur de cette communication publiée dans la revue Science datée du 29 octobre.

Vincent Mourre, de l'Institut national de recherches archéologiques préventives en France, et Christopher Henshilwood de l'Université de Bergen (Norvège) sont les deux autres co-auteurs de cette communication.

Avant la découverte de Blombos, les indices les plus anciens de la maîtrise de ces techniques sophistiquées dataient seulement de la culture solutréenne du paléolithique supérieur en France et en Espagne.

«La découverte dans la grotte de Blombos est importante car elle montre que des humains modernes dans ce qui est aujourd'hui l'Afrique du Sud ont eu très tôt un répertoire de techniques sophistiquées de fabrication d'outils de pierre», relève Paola Villa.

«Celles-ci sont un bon exemple d'une tendance à développer de nouvelles idées largement considérées comme étant des caractéristiques de comportements modernes ou avancés», ajoute-t-elle.

Pour ces chercheurs, la technique de travail des silex selon la technique de «retouche couvrante par pression» pourrait bien avoir été inventée en Afrique et utilisée sporadiquement ensuite avant d'être largement employée en Europe, en Australie et en Amérique du Nord.

Des archéologues ont découvert que des Paléo-Indiens --les premiers habitants de l'Amérique du Nord entre 12 000 et 8000 ans avant notre ère -- utilisaient aussi cette technique de retouche des pierres pour fabriquer des pointes de lances utilisées pour chasser des animaux aujourd'hui éteints comme des mammouths et des mastodontes.

A l'exception de la galactite, de l'obsidienne et du silex de haute qualité, peu de pierres peuvent être travaillées selon cette technique de retouche sans être d'abord chauffées, explique Paola Villa.

Bien qu'il existe des indications que la silcrète a été soumise au feu il y a  164 000 ans sur le site de la Pointe du Pinacle en Afrique du Sud, les objets de pierre travaillés découverts à Blombos constituent les premiers indices solides du recours à la technique de la retouche pour façonner et affiner les pierres, souligne-t-elle.

Selon les chercheurs, au moins la moitié des objets découverts ont été façonnés avec cette technique qui, notent-ils «pourrait bien avoir donné un  avantage aux premiers groupes d'Homo sapiens ayant émigré d'Afrique vers l'Europe il y a 60 000 ans».