Une baleine à bosse a parcouru, pour une raison inconnue, 10 000 kilomètres entre les côtes du Brésil et Madagascar, un voyage qui serait le plus long jamais accompli par un mammifère, à l'exclusion de l'homme, selon des chercheurs.

Le voyage de la baleine a été reconstitué à l'aide de photos montrant des signes distinctifs sur sa queue. L'animal avait été photographié pour la première fois au large du Brésil en août 1999. Un autre cliché du cétacé avait été réalisé par hasard en 2001, cette fois à l'est des côtes malgaches. Ce sont des experts qui, en comparant les photos, ont constaté à leur grande surprise qu'il s'agissait du même animal.

Les baleines à bosse migrent normalement selon un axe nord-sud, et parcourent en général 8.000 km chaque année dans un aller-retour entre les eaux froides de l'Atlantique Nord ou de l'Antarctique et les zones plus tempérées proches de l'Equateur, où elles se reproduisent. Leurs itinéraires de migration varient peu d'une année sur l'autre.

Alors comment se fait-il que l'on retrouve la baleine photographiée, une femelle, dans une autre région du globe? Selon le biologiste marin Peter Stevick, auteur d'un article sur le sujet dans la revue scientifique britannique «Biology Letters», elle n'a certainement pas entrepris ce long voyage par amour. Les baleines rencontrent leurs partenaires dans des sites de reproduction et il est donc peu probable qu'elle suivait un compagnon potentiel.

Selon M. Stevick, ce voyage pourrait constituer «un cas extrême d'exploration», mais il est aussi possible que l'animal se soit tout simplement «complètement perdu».

En tout cas, les chercheurs n'ont jamais observé un autre mammifère en dehors de l'homme effectuer un trajet entre deux lieux plus éloignés, précise M. Stevick, qui travaille à l'université de l'Atlantique, basée dans le Maine (nord-est des Etats-Unis).

En outre, le fait qu'une baleine délaisse une zone de reproduction dans les eaux brésiliennes pour une autre au large de Madagascar est sans précédent. «Cela représente presque 90 degrés de longitude, soit un quart de tour du monde», note M. Stevick. «Non seulement c'est une exception, mais elle est vraiment remarquable.»

Au bord de l'extinction à cause de la chasse au cours du 20e siècle, les baleines à bosse ont vu globalement leurs populations se redresser. Mais ces progrès sont variables, et les chercheurs étudient ces animaux et leurs déplacements pour tenter de comprendre pourquoi.

M. Stevick et d'autres experts ont cherché sur Internet des photos de baleines à bosse prises par des touristes et des passionnés, dans l'espoir de créer une base de donnée mondiale sur ces animaux permettant de localiser leurs lieux de migration.

C'est en parcourant le site d'échange de photos Flickr qu'un collègue de M. Stevick a découvert une photo de la baleine voyageuse, qui avait été prise par un touriste norvégien au large de Madagascar en 2001. La comparaison avec une autre photo prise par des chercheurs en 1999 à Abrolhos, petit archipel volcanique au large du Brésil, a permis d'établir qu'il s'agissait de la même baleine.

M. Stevick et ses collègues ont pu reconnaître l'animal grâce à des signes distinctifs sur sa queue. Les queues des baleines à bosse sont tachetées et leur extrémité dentelée. «Il y a énormément d'informations dans ces marques naturelles», précise M. Stevick. «La probabilité que deux animaux possèdent exactement les mêmes est infinitésimale.»

Simon Ingram, professeur de l'université de Plymouth, qui n'a pas participé à l'étude, souligne que l'identification des baleines à bosse par photo est une technique «très efficace».