Le proton serait 4% plus petit que les scientifiques ne le pensaient, selon une expérience internationale qui pourrait remettre en cause une des théories fondamentales de la physique quantique, qui tente d'expliquer l'infiniment petit.

Cette découverte d'un groupe international de 32 scientifiques mené par Randolf Pohl (Institut d'optique quantique Max Planck, Allemagne) fait cette semaine la couverture de la revue Nature. Le proton est un des constituants du noyau des atomes, le coeur de la matière. Ces 4 % sont une variation importante par rapport aux mesures établies. Or, cette expérience est en plus dix fois plus précise que les méthodes précédentes.

C'était une véritable surprise pour les scientifiques du projet : «Nous n'avions pas envisagé qu'il puisse y avoir des divergences entre les valeurs connues et nos mesures» précise Paul Indelicato directeur du Laboratoire Kastler Brossel et co-auteur de l'article.

L'expérience, envisagée dès les années 1970, n'a pu être réalisée que très récemment à cause des difficultés techniques.

Les chercheurs ont utilisé de l'hydrogène, l'objet le plus simple à étudier en physique quantique : un électron orbite autour d'un proton. Les autres atomes contiennent de multiples électrons, protons et neutrons et sont donc bien plus complexes.

Ici les chercheurs ont utilisé de l'hydrogène muonique : ils ont remplacé son électron par un muon, une particule élémentaire également chargée négativement mais dont la masse est 200 (207) fois plus importante que celle de l'électron. Elle doit donc être plus proche du proton et permet de faire des mesures bien plus précises qu'avec l'hydrogène classique utilisé auparavant.

Il fallait tout d'abord une puissante source de muons, trouvée à l'Institut Paul Scherrer, en Suisse. Comme les muons se désintègrent en 2 millionièmes de seconde, il faut réaliser très vite les mesures, le laser doit donc être déclenché en moins d'un millionième de seconde. C'est le laboratoire Kastler Brossel qui a apporté son expertise pour cette partie.

On est à un embranchement : soit dans deux ans, on découvrira qu'il y avait des erreurs dans l'expérience ou que ces variations étaient dues à une méconnaissance du muon, soit il suffira d'ajuster certaines constantes pour en tenir compte, soit il pourrait y avoir un vrai bouleversement dans l'électrodynamique quantique, explique Paul Indelicato.

L'électrodynamique quantique est une théorie qui décrit les intéractions entre la lumière et la matière. Sa meilleure confirmation expérimentale venait des mesures effectuées sur l'atome d'hydrogène, qui ont justement été remises en cause par cette étude.

«Maintenant les théoriciens vont reprendre les équations de l'électrodynamique quantique et d'autres expériences vont avoir lieu pour confirmer ou infirmer notre découverte. Dans deux ans nous ferons une autre expérience dans le même appareil avec de l'hélium muonique. Une autre équipe travaille sur l'ion hélium et ses résultats pourront aussi apporter des informations intéressantes», annonce Paul Indelicato.