C'est une avancée majeure dans la connaissance du plus prestigieux des champignons: des chercheurs français et italiens ont séquencé le génome de la truffe noire du Périgord, ce qui devrait aider à terme les trufficulteurs à améliorer la qualité de leur production, et à lutter contre la fraude sur l'origine géographique, selon une étude publiée dans la revue Nature.

L'étude, menée par un consortium franco-italien coordonné par une équipe de l'INRA de Nancy, permet de mieux comprendre la biologie de la truffe noire du Périgord (Tuber melanosporum) et «l'évolution de la symbiose entre arbres et champignons», souligne l'INRA (Institut national de la recherche agronomique) dans un communiqué.

C'est la première fois que le génome d'un champignon comestible est décrypté. Fruit de cinq années de travail, l'étude montre que le génome de la truffe est le plus grand connu chez les champignons. Il contient 125 millions de paires de bases et 7500 gènes, dont 6000 sont similaires aux gènes d'autres champignons.

«Plusieurs centaines de gènes sont uniques à la truffe et jouent un rôle fondamental dans la mise en place de la formation du champignon», note l'INRA. La grande taille du génome de la truffe ôôs'explique par la présence de séquences répétées (58%) dont l'impact sur la diversité de l'espèce est en cours d'étude», précise l'institut.

Directeur de recherche à l'INRA, Francis Martin, qui a coordonné l'ensemble du projet, souligne que l'étude vise à faire avancer la recherche fondamentale. Il s'agit de «mieux comprendre comment certains champignons du sol, dont la truffe noire du Périgord, sont capables d'interagir, de dialoguer avec les racines des arbres pour former une symbiose, une interaction symbiotique, qu'on appelle la symbiose mycorhizienne», a-t-il expliqué à l'Associated Press.

Le but est «d'identifier les gènes ou réseaux de gènes qui permettent ce dialogue avec la plante», souligne-t-il. La quasi totalité des arbres sur la planète sont en interaction avec des champignons, comme la chanterelle, le bolet, les truffes et bien d'autres. «Plus de 5000 champignons sont capables d'interagir avec les plantes dans les forêts européennes et la truffe est l'un d'eux», note le chercheur.

L'autre objectif de l'étude «est d'aider la filière trufficole à sélectionner les races de truffe les plus goûteuses, les plus parfumées», précise Francis Martin. En recherchant des «marqueurs génétiques caractéristiques», les chercheurs espèrent dans quelques années permettre aux producteurs de cultiver des truffes qui ont «telle ou telle propriété organoleptique, tel ou tel parfum», explique-t-il. La France, l'Espagne et l'Italie constituent les trois zones de production essentielles du Tuber melanosporum.

L'étude devrait aussi aider à lutter contre la fraude sur la provenance des truffes. A l'aide de marqueurs moléculaires issus de l'analyse du génome, les chercheurs pourront, en pratiquant des tests, «distinguer une truffe qui vient de Provence, du Périgord, du nord de l'Italie ou du nord de l'Espagne», souligne M. Martin.

«Une dizaine de marqueurs génétiques est actuellement utilisée afin de constituer un fichier d'empreintes génétiques d'une cinquantaine de populations de Tuber melanosporum provenant d'Italie, d'Espagne et de France», note l'INRA. «Ce fichier d'empreintes génétiques facilite le typage» des origines géographiques des truffes récoltées et permettra la mise en place d'outils de certification de ces produits et la détection d'éventuelles fraudes.»

Des tests pourraient par exemple permettre d'éviter que de la truffe venant de Chine ne soit vendue pour de la truffe du Périgord. «On a parfois des truffes qui viennent du nord de l'Italie ou de l'Espagne qui sont vendues sur les marchés périgourdins pour de la truffe du Périgord, alors que ce n'en est pas», observe M. Martin.

La mise au point d'outils de certification présente aussi «un intérêt évident pour les trufficulteurs qui aimeraient mettre en place des appellations d'origine contrôlées ou des appellations géographiques contrôlées, de manière à associer un label de qualité» aux truffes de leur terroir, précise le chercheur.