Suivre l'évolution d'une lésion cérébrale par le dosage d'une protéine spécifique de la maladie d'Alzheimer: cette perpective devient réaliste avec le lien établi par hasard par des chercheurs américains et italiens entre la guérison d'un tel traumatisme et l'augmentation du taux de cette protéine cérébrale.

C'est en mesurant le taux de protéine béta-amyloïde chez des patients indemnes de maladie d'Alzheimer, mais atteints de graves lésions cérébrales, que les auteurs de l'étude ont fait cette découverte fortuite. Leurs travaux sont publiés vendredi dans le journal «Science».

On pensait qu'une quantité excessive de protéine béta-amyloïde représentait un danger. Les chercheurs s'attendaient donc à ce que son niveau s'élève juste après le traumatisme cérébral, avant de diminuer une fois les patients guéris. Au lieu de ça, l'équipe a observé des niveaux de protéine béta-amyloïde augmentant au moment de la guérison, et diminuant quand l'état s'aggravait, selon le premier auteur de l'étude, le Dr David Brody, neurologue à l'université Washington de Saint Louis. Au vu de ces résultats, la béta-amyloïde semble être un bon marqueur de la reprise de l'activité cérébrale quand l'état des malades s'améliore.

Si cette observation se confirme, ce qui commençait comme une étude sur le risque de maladie d'Alzheimer chez les personnes présentant une lésion cérébrale pourrait avoir des implications sur le suivi médical des patients admis en unité de soins intensifs. Des recherches plus approfondies sont toutefois nécessaires.

«Notre étude n'est est qu'à son commencement», a déclaré Brody. «La mesure du taux de béta-amyloïde dans le cerveau pourrait devenir un bon indicateur du retour de la communication des cellules entre elles.»

La béta-amyloïde est connue comme une substance gluante qui permet la fabrication de plaques dans le cerveau des victimes d'Alzheimer. Mais elle ne l'est pas tout de suite. Une forme soluble de la protéine a été retrouvée dans le liquide dans lequel baigne le cerveau.

Pour Brody, ces patients qui devaient subir une chirurgie cérébrale offraient une opportunité. Qu'allait-il se passer si les chirurgiens inséraient un tube très fin au moment de l'opération, permettant de mesurer la béta-amyloïde dans des prélèvements faits toutes les heures?

Baptisée microdialyse intracérébrale, la technique a déjà été réalisée chez des souris par des collègues de l'université Washington. Elle a montré que, chez ces rongeurs, il existait un lien entre l'activité synaptique ou la communication entre les cellules et l'augmentation de la béta-amyloïde.

Au total, 18 volontaires victimes de lésions cérébrales à la suite d'accidents de voiture, de chutes, d'hémorragies cérébrales ont été invités à participer.

Grossièrement, 24 heures après le traumatisme, le catheter a été placé dans le cerveau des patients pour y rester de trois à sept jours. Les résultats ont été identiques à ceux retrouvés chez la souris.

Mais pour Brody, le taux de béta-amyloïde a très bien pu s'élever juste au moment de la blessure, un paramètre que son étude n'a pas pu vérifier. Par ailleurs, seuls les niveaux de la protéine béta-amyloïde ont été mesurés et non une forme estimée plus toxique pour les cellules.