Un coeur qui se reconstruit tout seul. Un genou qui se répare sans le secours de la chirurgie. Des supercellules qui combattent le cancer... Ces scénarios qui semblent tout droit sortis d'un film de science-fiction pourraient bientôt se réaliser au Québec. À l'hôpital Maisonneuve-Rosemont, la thérapie cellulaire, véritable médecine de l'avenir, est en pleine effervescence.

Depuis le 3 juin, l'hôpital Maisonneuve-Rosemont (HMR) est reconnu dans le monde comme un centre de pointe pour la greffe de cellules souches. Cette précieuse accréditation confirme la nouvelle orientation de l'établissement, qui se lance dans la thérapie cellulaire, «la médecine de l'avenir».

«Obtenir la certification FACT (Foundation for Accreditation of Cellular Therapy), montre l'excellence de notre processus de greffe, de la collecte de cellules souches au traitement du patient», affirme le Dr Jean Roy, chef du service d'hémato-oncologie de l'HMR.

Chaque année, 160 personnes subissent une greffe de cellules souches à l'HMR. La majorité de ces patients ont un cancer du sang. Mais très bientôt, la greffe de cellules souches pourrait permettre de mettre au point plusieurs autres traitements.

Car les cellules souches ont des propriétés bien particulières. À leur création, elles prennent un certain temps avant de se différencier pour devenir par exemple une cellule de la peau ou de l'oeil. «Les cellules souches sont pleines de potentiel. Elles peuvent devenir presque n'importe quoi», dit le Dr Roy.

Grâce à elles, des médecins allemands ont déjà créé du cartilage qui a ensuite été utilisé pour reconstruire un genou.

C'est ce genre d'application que l'HMR compte un jour maîtriser. L'établissement mènera des études plus poussées grâce à son nouveau centre de recherche en thérapie cellulaire.

L'HMR travaillera notamment avec le Centre hospitalier universitaire de Montréal (CHUM) à un projet de reconstruction de coeurs. Des cellules souches seront utilisées pour permettre la réparation de coeurs ayant subi des infarctus.

En attendant, l'HMR utilise la greffe de cellules souches dans le traitement des cancers du sang comme la leucémie. Le processus est complexe.

La greffe peut se faire avec les cellules du malade (autogreffe) ou celles d'un donneur externe (allogreffe), selon la maladie. «Pour le cancer des ganglions, on a recours à l'autogreffe. Mais pour tous les cancers de la moelle osseuse, il faut faire une allogreffe», explique le Dr Roy.

L'autogreffe: s'aider soi-même

La Montréalaise Penelope Pasmore a subi une autogreffe en 2001. Dans un premier temps, on a collecté ses cellules par aphérèse, c'est-à-dire que son sang a été prélevé et dirigé vers une centrifugeuse qui a séparé et isolé les cellules souches. Le sang filtré a ensuite été réinjecté dans les veines de Mme Pasmore.

Mme Pasmore a ensuite subi des traitements de chimiothérapie à hautes doses. Ce traitement a des effets importants sur la santé - en fait, il est si toxique que les patients perdent presque toutes leurs cellules sanguines. «Pour qu'ils survivent, on doit leur injecter des globules rouges, des globules blanc et des plaquettes», dit le Dr Roy. «Quand j'étais dans cet état-là, je me sentais comme morte», se rappelle Mme Pasmore.

Sans cellules sanguines, les patients n'ont pas de système immunitaire. Ils sont si vulnérables qu'ils doivent être placés en isolement total pendant plusieurs semaines - six semaines dans le cas de Mme Pasmore.

Accélérer la récupération

Pour accélérer la reconstitution des cellules sanguines et du système immunitaire des patients qui ont subi une autogreffe, on leur injecte leurs cellules souches. «Cela accélère beaucoup la récupération», dit le Dr Roy. Les cellules souches aident à recréer des cellules sanguines. Elles permettent aussi de combattre les quelques cellules cancéreuses restantes chez les patients.

Aujourd'hui, Mme Pasmore se porte mieux. Elle joue au golf avec son mari et s'amuse avec ses 13 petits-enfants.

Comme l'explique le Dr Roy, l'autogreffe aide les patients cancéreux à récupérer, mais elle ne permet pas de guérison complète. «L'autogreffe permet seulement de prolonger la vie des patients. Seule l'allogreffe permet de les guérir complètement», explique-t-il.

L'allogreffe: un don précieux

Les patients atteints d'un cancer de la moelle osseuse peuvent subir une greffe de cellules souches provenant d'un donneur, dite «allogreffe». Il faut pour cela que le donneur et le receveur soient compatibles.

Les premières recherches pour trouver un donneur compatible se font généralement dans la famille immédiate du patient. «Dans une famille de deux ou trois enfants, la probabilité qu'un frère ou une soeur soit compatible est d'environ 25%», dit le Dr Roy.

Si aucun membre de la famille n'est compatible, il faut recourir aux banques de cellules souches. C'est ce qu'a fait la Montréalaise Marisa Cuffaro, 33 ans, au début de l'année.

Mme Cuffaro a appris en 2004 qu'elle avait la leucémie. À l'époque, son fils avait 4 ans.

Elle a dû se soumettre à des traitements intensifs de chimiothérapie. «Ça a duré trois ans. C'était dur. Après ces traitements, j'ai été en rémission pendant un an et demi. Puis j'ai fait une rechute en août 2007», raconte-t-elle.

Les médecins lui parlent alors de greffe de cellules souches. «La greffe est un traitement très intense. Même s'il est efficace, on tente de l'éviter. C'est seulement quand les méthodes traditionnelles ont échoué qu'on l'offre», dit le Dr Roy.

Mme Cuffaro accepte de se soumettre au traitement, mais personne dans sa famille n'est compatible. Elle doit donc recourir à la banque mondiale de cellules souches.

En janvier 2008, on trouve un donneur compatible en Allemagne. On prélève ses cellules et on les expédie rapidement au Canada. Pendant ce temps, Mme Cuffaro subit un autre traitement de chimiothérapie.

À l'HMR, on inspecte les cellules souches au laboratoire, puis la greffe a lieu. Après, Mme Cuffaro séjourne quatre semaines en isolement.

Pour Mme Cuffaro, le don de cellules souches est primordial. «C'est important que les gens sachent qu'ils peuvent donner des cellules souches. Ça ne fait pas mal et ça sauve des vie. Il faut augmenter la taille de la banque», dit-elle.

La vie dans une banque

Plusieurs pays possèdent une banque de cellules souches. Chez nous, Héma-Québec s'occupe de gérer la liste des 36 000 donneurs.

Les personnes qui veulent donner des cellules souches doivent avoir entre 18 et 50 ans et être en parfaite santé. Elles doivent d'abord se rendre à Héma-Québec pour des analyses sanguines qui permettent de déterminer leur profil génétique.

Ce profil est ensuite entré dans une banque de données mondiale. «Tous les hôpitaux du monde y ont accès. Les donneurs du Québec peuvent donc donner à quelqu'un du bout du monde!» dit Diane Roy, directrice du registre public de donneurs de cellules souches à Héma-Québec.

En tout, la banque mondiale contient 13 millions de donneurs potentiels. «Mais malgré tout, il arrive qu'on ne trouve pas de personne compatible», dit Mme Roy.

Quand on trouve un donneur compatible, on lui demande par lettre de se présenter à l'hôpital à une date donnée. À Montréal, tous les prélèvements de cellules souches ont lieu à l'HMR. Cette opération peut se faire de deux façons.

On peut prélever les cellules par ponction médullaire. «On prélève de la moelle osseuse dans l'os du bassin, juste en haut des fesses», explique Mme Roy. L'opération se fait sous anesthésie générale et le donneur reste hospitalisé 48 heures.

Mais la plupart du temps, les cellules souches sont récoltées par aphérèse (filtration de sang), ce qui prend environ cinq heures.

Puisque les cellules de moelle osseuse n'ont pas exactement les même propriétés que celles du sang, on choisira la ponction médullaire ou l'aphérèse en fonction de la maladie du receveur.

Une fois extraites, les cellules sont envoyées dans le pays du receveur ou au laboratoire de l'HMR si elles sont destinées à un receveur de la région.

L'identité du donneur et celle du receveur ne sont jamais révélées. «On veut que la greffe soit anonyme et surtout apolitique. On ne veut pas que quelqu'un qui déteste les Américains refusent de faire son don parce que le receveur vient de New York», dit le Dr Roy.