Vous souvenez-vous de la fermeture de l'usine d'assemblage de General Motors à Boisbriand? 1200 emplois disparus. Du démantèlement de la raffinerie de Shell à Montréal-Est? 500 emplois envolés en fumée. Du déménagement de l'usine d'électroménagers d'Electrolux à L'Assomption? 1300 emplois perdus.

Après cette saignée d'emplois bien rémunérés dans le secteur manufacturier durant les années 2000, on pourrait croire que le marché du travail est mal en point au Québec. Pourtant, c'est tout le contraire. Ça va beaucoup mieux!

Davantage de travailleurs. Moins de chômeurs. Plus de travail de qualité. Et des emplois mieux rémunérés. En quelques mots, voilà ce qui ressort d'une étude inédite réalisée par Luc Cloutier-Villeneuve et André Grenier, de l'Institut de la statistique du Québec.

L'étude décortique l'évolution du marché du travail depuis 12 ans, soit de 1997-1999 à 2009-2011, les moyennes sur trois ans permettant d'aplanir les variations indésirables.

Premier constat. Malgré la crise financière et la récession de 2009, le taux de chômage a fondu de 10,3% à 8,1%, ce qui représente une baisse très significative de 2,2% sur 12 ans.

On est bien loin des années 80 et 90, alors que le taux de chômage oscillait autour de 11,5% au Québec. En fait, il faut remonter jusqu'en 1976 pour trouver un taux de chômage plus faible qu'aujourd'hui, à l'exception de 2007 et 2008, fait ressortir l'étude.

Toutes les régions du Québec ont profité de la baisse du taux de chômage. Mais c'est dans les régions ressources que l'amélioration a été la plus marquée. En Gaspésie, par exemple, le taux de chômage, qui atteignait 22% à la fin des années 90, est redescendu à 14%, mais il demeure le plus élevé de la province.

Les régions des capitales, soit l'Outaouais et la Capitale-Nationale, ont pratiquement réduit leur taux de chômage de moitié, à 5,9%. Mais Chaudière-Appalaches demeure la championne, avec un taux de chômage d'à peine 5,3%.

Par contre, la diminution du chômage a été la moins éclatante dans la région de Montréal. Le taux de chômage y est maintenant plus élevé que la moyenne provinciale, alors que c'était plutôt l'inverse il y a 12 ans.

Parallèlement à la baisse du taux de chômage, le Québec a aussi connu une progression majeure du taux d'emploi depuis 12 ans. Aujourd'hui, 71% des personnes de 15 à 65 ans occupent un emploi, un bond de 6%. Dans Chaudière-Appalaches, le taux d'emploi atteint même un sommet de 77%.

Ce n'est pas rien! De tous les pays de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), seuls le Canada et l'Allemagne ont un taux d'emploi supérieur à celui du Québec.

Il faut surtout dire merci aux femmes, qui sont de plus en plus nombreuses sur le marché du travail. Dans l'ensemble du Québec, leur taux d'emploi est passé de 58,5% à 69% depuis 12 ans. Désormais, elles sont presque aussi nombreuses que les hommes (73%) à travailler.

L'écart hommes-femmes s'est particulièrement résorbé dans les régions ressources. Même qu'en Gaspésie, il y a plus de femmes que d'hommes qui travaillent.

Autre bonne nouvelle: la main-d'oeuvre québécoise est beaucoup plus scolarisée qu'il y a 12 ans. Il s'agit là d'un facteur crucial, puisque ceux qui ont un diplôme se retrouvent moins souvent au chômage.

Aujourd'hui, seulement 15% de la population n'a aucun diplôme, comparativement à 26,5% il y a 12 ans. À l'inverse, 64% des Québécois ont maintenant un certificat ou un diplôme d'études postsecondaires en poche (dont 24% un diplôme universitaire) comparativement à 51% en 1997-1999.

Ici encore, il faut saluer l'effort des femmes, qui ont réussi à rattraper et même dépasser les hommes.

Malheureusement, le rattrapage salarial n'a pas tout à fait suivi. Même si elles sont plus scolarisées, les femmes gagnent toujours moins que les hommes.

Il est vrai que les femmes ont connu une progression salariale plus importante que les hommes depuis 12 ans. Leur taux horaire réel (ajusté à l'inflation) a grimpé de 12%. En moyenne, les femmes gagnent désormais 19,75$ l'heure.

De leur côté, les hommes ont vu leur taux horaire augmenter de seulement 6,7%. Mais ils gagnent encore davantage, soit 22,50$ l'heure.

L'écart salarial se résorbe cependant avec les générations qui passent. Il oscille entre 5 à 10% chez les travailleurs de moins de 44 ans, alors qu'il est autour de 15% chez les plus âgés. C'est tout de même mieux qu'il y a 12 ans, alors que les femmes de plus de 44 ans avaient un taux horaire 25% inférieur à celui des hommes.

Dans l'ensemble, les Québécois ont connu une hausse de salaire de 8,6% depuis 12 ans, en tenant compte de l'inflation. Leur pouvoir d'achat s'est donc amélioré d'un peu moins de 1% par année.

Mais surtout, ils ont un meilleur travail. En effet, la création d'emplois a été concentrée dans les emplois de qualité, c'est-à-dire ceux qui demandent des qualifications élevées et qui sont bien rémunérés, stables, avec des heures de travail normales.

Une autre preuve que les fermetures d'usine qui font les manchettes cachent un portrait qui est beaucoup plus rose.