Après des fusions forcées mais nécessaires, suivies de défusions non forcées et non nécessaires, Montréal est entrée dans une phase d'hibernation qui perdure depuis près de 10 ans.

Pendant cette période, il aura été à toute fin pratique impossible de faire lever quelque projet que ce soit à l'intérieur d'une structure administrative échevelée, semblable à un animal sans tête. Et puis, les scandales se sont mis de la partie, celui des compteurs d'eau n'étant pas le moindre.

Tout le monde, et j'en suis, critiquait l'immobilisme de Montréal. Tout le monde, et j'en suis encore, avait lancé la serviette. Et la politique ayant horreur du vide, la pole d'influence s'est dirigée vers Québec, une ville longtemps associée à la bureaucratie gouvernementale, mais redevenue dynamique avec Régis Labeaume, son Jean Drapeau des temps modernes.

Dans ce contexte, il faut admettre que les gens n'ont pas été tendres envers Gérald Tremblay, maire depuis le début de la décennie. Il a été accusé de tous les crimes possibles et imaginables, et il en a encaissé des coups, souvent pour des évènements qui n'étaient même pas de sa responsabilité.

Ses réactions ou, parfois, son manque de réactions, en ont amené plusieurs à croire qu'il n'avait aucune idée de ce qui se passait dans son dos. Mais, en rétrospective, se pourrait-il que son règne à la mairie de Montréal soit finalement plus positif que ce que l'on veut bien admettre?

Voici d'ailleurs certains éléments qui portent à réflexion et qui démontrent que Montréal semble enfin sortir de sa torpeur et que les 10 dernières années n'ont peut-être pas été perdues après tout.

D'une part, tous les maires depuis Jean Drapeau ont négligé les infrastructures de la ville. Les investissements pour refaire les conduites d'aqueduc et d'égout n'y étaient tout simplement pas. La raison en est bien simple: ce n'est pas payant politiquement d'investir dans ce qui n'est pas visible. Mais il fallait le faire et Gérald Tremblay est le premier maire à avoir pris ces investissements au sérieux. Il y a peut-être encore bien des trous à Montréal, mais, au moins, tout le système souterrain est en train d'être remis à niveau.

D'autre part, les grands projets comme le CHUM, le CUSM, le transport en commun, la rénovation du système routier et des autres infrastructures sont dans le collimateur. Les citoyens semblent retrouver leur fierté devant des initiatives comme les pistes cyclables au centre-ville, l'ouverture de la Maison symphonique et la démolition de laideurs comme l'échangeur à l'intersection de la rue des Pins et de l'avenue du Parc.

Et il semble que ce renouveau ne soit qu'un début. Il y a présentement près de 50 grues dans le ciel de Montréal, ce qu'on n'avait pas vu depuis des lunes. Le nombre de projets de plus de 5 millions de dollars atteint les 200, représentant des investissements totaux dépassant les 15 milliards de dollars. Bientôt, l'autoroute Bonaventure dans sa partie montréalaise ne sera plus qu'un mauvais souvenir.

Oui, il y a peut-être de la lumière au bout du tunnel pour redonner à la grande région métropolitaine l'harmonisation qu'elle a grand besoin. Pour la première fois, il semble que le 514 et le 450 soient prêts à mettre de côté leurs querelles de clocher et adhérer au grand projet de la Communauté métropolitaine de Montréal d'avoir finalement «un grand Montréal attractif, compétitif et durable». Et il semble que Gérald Tremblay y soit pour beaucoup dans ce dossier.

Montréal est une ville ingouvernable qui doit quand même être gouvernée. Se pourrait-il dans ce contexte que, pour paraphraser la fable de La Fontaine, la politique des petits pas de la tortue Tremblay ait en bout de ligne le dessus sur la politique des projets grandioses du lièvre Labeaume? L'avenir nous le dira.