En lisant l'article paru lundi dans La Presse au sujet de la potentielle pénurie de médicaments qui menace sérieusement notre système de santé, une image, une seule, m'est venue bien égoïstement en tête: notre belle grande fille de 9 ans, Maëlle.

Depuis l'âge de 7 ans, une maladie neuromusculaire auto-immune, la myasthénie grave, monopolise sa petite vie d'enfant aux trois heures, 24 heures sur 24. Sans un comprimé appelé Mestinon (anticholinestérasique) qui prolonge la vie des influx nerveux pour ne pas que ses muscles cessent de fonctionner, Maëlle risque de ne plus respirer, avaler, boire, parler, voir.

Ces petits comprimés blancs et jaunes, je les porte sur moi comme la prunelle de mes yeux. Dans ma tête se trouve une horloge continuelle et je guette sans cesse le temps qui passe afin de m'assurer que pas une dose ne soit manquée.

Pire encore, Maëlle, comme bien d'autres patients, doit aussi prendre matin et soir du Cellcept (mofétilmycophénolate), genre de chimiothérapie liquide qui supprime une partie de son système immunitaire devenu trop agressif. À cela s'ajoute quelques comprimés de cortisone le matin pour prévenir une trop grande inflammation de sa jonction neuromusculaire rongée par les anticorps.

Je n'ai même pas encore parlé des échanges plasmatiques subits en hémato-oncologie chaque semaine à l'hôpital Sainte-Justine, où le plasma est retiré de son sang et remplacé par un liquide en partie synthétique, ni des traitements anticancéreux ciblés dont elle fait l'objet depuis un an qui lui permettent d'avoir une réelle qualité de vie.

Grâce à de simples pilules, comprimés, liquides, médicaments injectables, bref, grâce à l'apport synthétique et mécanique de la médecine moderne, Maëlle respire, mange, sourit, a des rêves, va à l'école, joue avec d'autres enfants sans trop se soucier de la précarité de son arbre de vie qui tient toutefois en équilibre comme un château de cartes pour de nombreuses années encore.

Malheureusement, comme elle a gagné au gros lot de la malchance, sa maladie, trop rare, ne fait pas partie des plus populaires, tout comme les soins qui y sont rattachés et qui coûtent cher à produire. D'accord, la maladie de notre fille n'est pas assez rentable, mais est-ce une raison pour abandonner les patients dans la même situation qu'elle?

En tant que parents, que devons-nous faire? Prier pour que cela n'arrive pas? Faire des réserves comme en tant de guerre afin de prévoir de potentielles ruptures de stock? Les assurances ne paieront pas et notre famille n'a pas les moyens non plus de faire un stock de bouteilles de médicaments qui se détaillent à 350$ chacune, sans compter toutes les autres.

Lorsque nous ne sommes pas confrontés à une telle urgence de vivre, rien ne presse. Jusqu'à maintenant, le seul souci d'administrer le cocktail de soins à notre enfant au quotidien était bien suffisant à occuper notre esprit depuis deux ans. Maintenant, nous devons aussi vivre avec la peur constante de ne peut-être pas pouvoir lui fournir les médicaments essentiels à sa survie, ici, au Québec, pas dans un pays du tiers-monde, quoique...