En 1987, Denys Arcand lançait la tradition. Depuis, nous anticipons la joie de voir un film québécois en nomination dans la catégorie du meilleur film étranger qui est décerné par Hollywood lors de la cérémonie des Oscars.

L'an dernier, ce fut le cas avec Incendies de Denis Villeneuve. En 2012, ce sera le tour du très beau film Monsieur Lazhar de Philippe Falardeau.

Ce résultat n'est pas le fruit du hasard, mais celui d'un travail en profondeur mis en place depuis plusieurs décennies. Je suis convaincu que nos différentes agences culturelles ont contribué par leurs efforts à permettre à nos réalisateurs de faire leurs apprentissages et d'atteindre une maturité qui fait notre fierté.

Pour certains, cela a commencé avec Radio-Canada lors de la Course destination monde, et s'est souvent poursuivi avec des films réalisés à l'Office national du film. Ces cinéastes ont pu ensuite financer leurs longs métrages grâce aux investissements de Téléfilm Canada et de la SODEC. Tous ces films sont des exemples types d'investissement intelligent permettant l'éclosion d'une cinématographie de chez nous, mature, riche et diverse.

Sans rien enlever à nos cinéastes de fiction, ce que nous omettons souvent de célébrer, ce sont ces autres créateurs qui, depuis les années 50, sont régulièrement nommés aux Oscars, dans une autre catégorie, celle du court métrage d'animation.

Depuis les années 50, Normand McLaren et l'ONF avec des films comme Neighbours (Les Voisins), nous ont habitués à voir le nom de notre pays et de nos animateurs être récompensés aux Oscars, au même titre que les plus grandes vedettes du monde.

De fait, avec les deux nominations de cette année, Dimanche de Patrick Doyon et Une vie sauvage d'Amanda Forbis et Wendy Tilby, cela fera 72 fois que l'ONF est cité lors des Oscars par l'Académie des arts et des sciences du cinéma.

C'est à l'ombre de leur bureau ou de leur table d'animation que nos artistes s'échinent, des années durant, à donner corps à de petits bijoux de films qui durent de cinq à 20 minutes.

Les deux courts métrages retenus cette année ont comme point commun de nous parler avec nostalgie d'une époque en milieu rural, qui a aujourd'hui disparu.

Prenant souvent la forme d'allégorie ou de métaphore, le court métrage d'animation est au cinéma ce que la poésie est à la littérature.

À travers les années, même si l'ONF a subi des coupures draconiennes, aucun des commissaires qui m'ont précédé, ni même le présent, Tom Perlmutter, n'ont voulu sacrifier les départements d'animation en les fermant. Pendant ce temps à travers la planète nous avons vu disparaître d'autres centres de production et surtout ceux des studios des pays de l'Est.

Alors que nous allons célébrer la nomination des cinq films canadiens aux Oscars (incluant In Darkness, une co-production avec la Pologne et l'Allemagne), alors que nos politiciens, tous partis confondus, se feront des gorges chaudes en félicitant nos cinéastes qui iront aux Oscars, je ne peux m'empêcher de penser que nous aurons bientôt droit à nos propres Oscars, ceux que nous réserve le gouvernement conservateur dans son nouveau budget.

Les signes avant-coureurs sont déjà envoyés que la culture et toutes nos agences fédérales seront sabrées d'environ 10% de leur budget de base.

Alors, messieurs et mesdames les politiciens, pendant que vous vous targuez avec fierté de notre cinéma national, soyez pleinement conscients de la façon dont vous allez amputer les ailes de ceux que vous allez célébrer dans quelques jours!