Samedi dernier, le premier ministre Stephen Harper a conclu sa deuxième visite officielle en Chine au terme d'un voyage qui a pris l'allure des missions Team Canada de l'époque de Jean Chrétien. Devant les succès récoltés par le premier ministre lors de ses visites à Beijing, Guangzhou et Chongqing, plusieurs commentateurs ont souligné que le Canada était désormais dans le radar de la Chine et d'autres ont soutenu qu'en raison de la complémentarité de leurs économies, la Chine ne pouvait désormais plus ignorer le Canada.

Si les échanges économiques, les investissements et les droits de la personne ont été identifiés comme les domaines dans lesquels les relations entre le Canada et la Chine ont été renforcées durant la visite du premier ministre, il est encore bien tôt pour célébrer le succès des relations sino-canadiennes.

D'abord, nos exportations ont le potentiel de se diversifier en Chine, mais elles demeurent encore dominées par les matières premières. Le pétrole à été un élément important du voyage de M. Harper, mais si Beijing est ouvert à acheter du pétrole canadien, c'est d'abord vers l'Asie centrale et le Moyen-Orient qu'il concentre ses réels efforts d'approvisionnement.

De plus, il ne faut pas oublier qu'au-delà du report du projet Keystone XL visant à vendre aux États-Unis le pétrole extrait des sables bitumineux de l'Alberta, 99% des exportations pétrolières du Canada se dirigent vers les États-Unis. Le Canada aura beaucoup à faire pour devenir un joueur important en Chine, d'autant plus que l'actuel projet d'oléoduc Northern Gateway est loin de faire l'unanimité au pays.  

Pour ce qui est des investissements chinois au Canada, s'il est vrai qu'ils ont considérablement augmenté au cours des dernières années, ces derniers demeurent minimes en comparaison des investissements que l'on reçoit de nos partenaires traditionnels et ils ne représentent que moins de 2% du montant total que les compagnies chinoises investissent à l'étranger. En outre, ces investissements au Canada demeurent quasiment réservés, encore une fois, dans le domaine des ressources naturelles.  

Les investissements et les échanges économiques entre le Canada et la Chine sont appelés à croître, mais beaucoup d'efforts seront nécessaires pour non seulement les favoriser, mais également pour les diversifier vers d'autres secteurs de notre économie. Le Canada a certes conclu un accord visant à protéger les investissements canadiens en Chine, mais plusieurs compagnies canadiennes font notamment face a des difficultés d'accès au marché chinois tandis que d'autres y manquent de visibilité.

Finalement, les droits de la personne demeurent une composante qui continuera de troubler les relations entre le Canada et la Chine. Le problème des différents gouvernements qui se sont succédés à Ottawa a toujours été de trouver un équilibre entre la promotion des échanges économiques et des droits de la personne en Chine. Si la stratégie adoptée par les conservateurs lors de leur arrivée au pouvoir en 2006 était insensée, la politique discrète à l'égard des droits de la personne que semble désormais privilégier le gouvernement devrait s'accompagner de mesures concrètes pour faire avancer le respect des règles du droit en Chine. L'avancement des droits de la personne fait partie des différents intérêts que le Canada doit poursuivre dans sa relation avec la Chine et il est important de ne pas évacuer cette dimension.

Si la mission du premier ministre a été bénéfique et marque un rapprochement certain entre Ottawa et Beijing, il en faudra bien davantage pour élever les relations sino-canadiennes à un partenariat stratégique digne de ce nom.