Le président français Nicolas Sarkozy doit annoncer aujourd'hui qu'il sollicitera un deuxième mandat présidentiel. Le président étant au plus bas dans les sondages depuis deux ans, les analystes le donnent perdant au deuxième tour le 6 mai devant le candidat de gauche, François Hollande.

Les choses pourraient toutefois être bien pires pour lui. Il risque en effet d'être éliminé dès le premier tour par la candidate du Front national, Marine Le Pen.

Le cauchemar de 2002 est-il en train de se reproduire? Lors de la présidentielle d'il y a 10 ans, l'ancien chef du FN, Jean-Marie Le Pen, était arrivé deuxième au premier tour juste derrière Jacques Chirac. Il avait profité d'un paysage politique éclaté. Le président sortant était usé et le candidat socialiste, Lionel Jospin, son premier ministre pendant cinq ans, était lui très contesté à gauche où la multiplication des candidatures le fragilisait. Le soir du premier tour, ce fut la stupeur. Chirac obtient 20% des voix, Le Pen 16,8% et Jospin 16,2%.

Aujourd'hui, la situation politique est tout autre. La gauche a réussi à s'unir autour de François Hollande et les sondages lui donnent plus de 30% des voix au premier tour, le 22 avril. Les autres candidats de gauche, d'extrême gauche ou écologistes rassemblent environ 15%. À droite et au centre, la division règne: Sarkozy peine à ressembler 25% des voix, François Bayrou attire 10% des suffrages et une demi-douzaine de candidats, dont Dominique de Villepin, se partagent 3%. Arrive en scène Marine Le Pen.

La fille de Jean-Marie Le Pen est devenue une redoutable candidate. Elle donne une nouvelle image du FN. Elle profite aussi d'une conjoncture délétère. La crise en Europe, les délocalisations d'usines et le chômage rendent l'électorat frileux et un brin xénophobe. Quelque 44% des Français adhèrent aux critiques de la société qu'exprime le FN. Vingt-neuf pour cent se considèrent réactionnaires (ils étaient 13% en 2001), à quoi il faut ajouter les 28% qui se déclarent conservateurs. Peut-on alors se surprendre que Marine Le Pen soit créditée depuis un an de 17 à 21% des suffrages au premier tour? De quoi faire trembler les vieux partis, mais surtout celui de Nicolas Sarkozy.

Le président a compris le danger et est en train de réagir. Lui et plusieurs de ses ministres chassent maintenant sur les terres du FN en poussant de l'avant des thèmes chers à son électorat: lutte à l'immigration illégale; nouvelle loi contre les chômeurs; exaltation des racines catholiques de la France; opposition au mariage homosexuel. Son parti, l'UMP, n'hésite pas à applaudir un chroniqueur douteux, mais populaire, Éric Zemmour, condamné par la justice pour provocation à la haine raciale envers les Arabes et les Noirs. Sarkozy pense ainsi rééditer son exploit de 2007 où sa campagne musclée avait fait dégringoler Jean-Marie Le Pen à 11%.

En l'état actuel, le président peut-il aisément être présent au deuxième tour? Oui et non. Oui, si Marine Le Pen ne peut se qualifier comme candidate à l'élection. En effet, elle n'a pas encore recueilli les 500 parrainages d'élus (dont les noms doivent être publiés) indispensables à sa candidature. Elle a demandé au Conseil constitutionnel de rendre les parrainages confidentiels. Réponse le 22 février.

Non, si l'électorat de droite continue à se fragmenter et si Marine Le Pen est formellement candidate. Ainsi, le candidat centriste, François Bayrou ne cesse de grimper dans les sondages. Il avait obtenu 18% des suffrages en 2007. Dominique de Villepin peut rebondir. Et bien des spécialistes pensent que Mme Le Pen peut dépasser son score actuel dans les sondages. Après tout, Lionel Jospin a raté le deuxième tour avec moins d'un pour cent des voix sur son plus proche adversaire.