Je ne suis pas diplômée en psychoéducation; je ne suis donc pas habilitée à me prononcer sur de potentielles conséquences néfastes de l'enseignement intensif de l'anglais en 6e année sur les enfants éprouvant des difficultés d'apprentissage ou sur les populations immigrantes. Je n'ai pas non plus analysé en détail le projet mis de l'avant par le gouvernement et je ne suis donc pas en mesure d'y déceler de probables failles ou faiblesses.

En revanche, je peux m'exprimer à titre de parent. J'ajouterais à titre de parent privilégié, car l'amorce du parcours scolaire de mon fils aîné ne semble pas annoncer de sévères difficultés.

Mon biais étant admis, je me permets d'affirmer que l'enseignement intensif de l'anglais dès la 6e année est une excellente idée. On peut se raconter des histoires tant qu'on veut, se regarder dans un miroir en se flattant la société distincte et en se répétant combien il fait bon vivre, travailler et respirer en français. Mais nous évoluons dans un contexte de mondialisation, de globalisation et d'immigration où l'anglais occupe une place prépondérante. Si ce constat était frappant il y a près de 20 ans, il l'est encore davantage aujourd'hui. Nos enfants seront rapidement confrontés à cette évidence. Ayant grandi à Shawinigan, j'ai vite compris, à l'issue de mes études secondaires en 1993, que si j'aspirais à sortir de mon patelin natal, je devrais inclure l'anglais dans mon sac de voyage. J'ai donc choisi l'immersion en allant passer une année sur la côte ouest de l'Australie et, à mon retour, en poursuivant mes études collégiales et universitaires en anglais.

J'ai aujourd'hui le bonheur de pratiquer ma profession dans les deux langues et de relever des défis qui m'auraient autrement été interdits. Ai-je pour autant sacrifié mon amour des mots et la qualité de mon français écrit et parlé? Je ne le crois pas.

Par ailleurs, j'élève mes enfants dans cette langue et j'exige un langage adéquat, ce qui ne m'empêche pas de rêver pour eux de possibilités aussi stimulantes que celles qui m'ont été offertes. Et j'ai la conviction que pareilles opportunités passent obligatoirement par la maîtrise de l'anglais et le bilinguisme.

Aurais-je dû assurer moi-même la transmission de l'anglais à mes enfants? Peut-être. Ce n'est pas faute d'avoir essayé, mais j'ai vite réalisé que mon instinct maternel parle, aime, cajole et réprimande en français.

Ceci dit, maîtrise et compétence du français et de l'anglais ne sont pas des qualités mutuellement exclusives; l'une n'empêche pas l'autre et il nous appartient de nous assurer que le développement des aptitudes en anglais ne se fasse pas au détriment de la protection du français.

Certains me reprocheront de ne pas me soucier du sort des enfants qui présentent des problèmes d'apprentissage. Pourtant, il n'en est rien et ma propre progéniture n'est pas à l'abri des embûches sur la route scolaire. Cependant, il n'est pas judicieux de fixer les grandes orientations de notre système d'éducation en fonction des élèves pour qui le cheminement scolaire est le plus laborieux. La réalité de l'élève moyen doit nous guider dans nos décisions tout en permettant la flexibilité nécessaire pour répondre aux besoins particuliers.

L'anglais est un élément déterminant pour l'élève moyen contemporain et intégrer son enseignement intensif en 6e année constitue un changement souhaitable. S'objecter à ce projet nous condamne à faire du nivellement par le bas et à brouiller l'horizon des adultes de demain.