L'élection du 2 mai dernier a relégué le Parti libéral du Canada au statut de deuxième opposition à la Chambre des communes et il est plus que jamais loin du pouvoir. Cette élection a mis fin à l'illusion qu'il suffisait de nommer un chef « sauveur» pour que le parti revienne au pouvoir sans avoir à procéder de grands changements dans les idées et manières de faire. Le congrès biannuel qui s'ouvre vendredi est le début souhaitable d'une véritable reconstruction et remise en question des troupes libérales.

Par chance pour les libéraux, l'actuel gouvernement conservateur ne semble pas vouloir se recentrer pour devenir le gouvernement de tous les Canadiens. Par conséquent, il hypothèque son objectif de devenir le « gouvernement naturel» de la politique fédérale canadienne.

L'idéologie conservatrice militariste, anti-Kyoto, défendant une vision économique qui démontre ses limites depuis 2008 et le manque de respect de la démocratie parlementaire, risque bien de solidariser les 60% d'électeurs qui ont voté contre le Parti conservateur en mai dernier. Il est certain que la seule stratégie pour ces électeurs sera de se ranger massivement derrière un parti pour battre les troupes de Stephan Harper lors des prochaines élections.

Si le Parti libéral fait les bons choix dans les prochaines années, il pourra prétendre être l'alternative au Parti conservateur et mettre fin à la redéfinition conservatrice du pays.

Le Québec a massivement rejeté les conservateurs, s'ouvrant du même coup à un parti politique fédéraliste pour la première fois en 20 ans. Modérés, les électeurs québécois sont peu enclins aux partis idéologiques, préférant des partis de centre capable de considérer plusieurs points de vue avant de prendre une décision. Le Parti libéral est certainement de cette tradition de modération.

La stratégie des conservateurs est maintenant évidente : gagner un gouvernement majoritaire, sans le Québec si nécessaire, sans crainte d'attiser les vieilles divisions. Le Québec devient par conséquent une terre politique hautement compétitive en vue des prochaines élections pour les autres partis politiques.

La reconstruction du Parti libéral  passe donc par le Québec qui lui a longtemps été fidèle jusqu'à la rupture du rapatriement constitutionnel de 1982. À cette époque, le premier ministre Pierre Elliott Trudeau définit un fédéralisme mu par une vision ultralibérale individualiste de la société qui refuse la reconnaissance des communautés nationales, en opposition à la vision québécoise d'un fédéralisme multinational. Le Québec refusera jusqu'à ce jour de signer la Constitution.

Pour revenir en force, le Parti libéral doit se réconcilier avec le Québec. Au moment où les esprits se sont calmés en matière constitutionnelle, que la reconnaissance par le gouvernement Harper de la nation Québécoise à la Chambre des communes s'est faite dans un calme impossible à imaginer il y a à peine 20 ans, de l'adoption d'un fédéralisme asymétrique par le gouvernement Martin  et de la reconnaissance de l'identité Québécoise dans le discours électoral de M. Ignatieff, les libéraux doivent continuer dans cette direction et prendre le leadership en matière d'ouverture à un fédéralisme communautaire.

Évidemment, il n'est pas question de retomber dans une crise constitutionnelle qui ne fera que des perdants. Pour rendre effective la reconnaissance du Québec et s'assurer que le centre de la francophonie nord-américaine puisse demeurer influent culturellement et politiquement, des aménagements institutionnels sont nécessaires.

En plus du respect de ses pouvoirs constitutionnels, le poids politique du Québec doit être préservé sur la scène fédérale. Hors de question de trafiquer le principe démocratique de la représentation proportionnelle à la base de la Chambre des communes. Cependant, les chambres hautes dans les fédérations ont pour mission de représenter les différents groupes nationaux et états fédérés.

Avec le consensus sur la désuétude du Sénat canadien, il serait temps de le réformer dans l'esprit de reconnaissance des communautés nationales du Canada par une représentation sénatoriale de l'élément francophone, anglophone et  autochtone du pays en plus de la représentation des provinces. La solidarité naturelle entre la délégation de sénateurs francophones du pays et de la délégation provinciale du Québec assurerait le poids politique du Québec.

Un Sénat légitime et représentatif permettra aussi d'impliquer les provinces dans les décisions du gouvernement fédéral au moment où les enjeux politiques transcendent les différents paliers politiques internationaux, nationaux, et provinciaux.

L'engagement du Parti libéral dans la réforme du Sénat pour concrétiser la reconnaissance d'un fédéralisme communautaire, donnera au Québec toutes les raisons d'appuyer massivement le parti lors de la prochaine élection. Le PLC retrouverait durablement les appuis nécessaires pour reprendre le pouvoir et barrer la route aux conservateurs. Le Sénat réformé amènerait aussi un équilibre plus fédéraliste profitable au Québec qui pourrait reprendre son influence en politique fédérale trop longtemps négligée dans « l'honneur et l'enthousiasme ».