Les démonstrations de force du régime iranien peuvent impressionner l'opinion publique, mais pour plus d'un observateur des affaires internationales, elles masquent les faiblesses du gouvernement en place. Lorsque tout va mal, un régime aux abois peut être tenté de provoquer une crise internationale afin de souder la population autour de lui et distraire l'attention des problèmes internes.

L'Iran veut la bombe atomique, ou du moins tous les éléments essentiels pour la confectionner rapidement au moment opportun. Le problème est que l'Iran est signataire du Traité de non-prolifération nucléaire qui lui interdit de se doter de l'arme atomique. Et les inspecteurs chargés de faire respecter ce traité accusent année après année l'Iran de violer la lettre, sinon l'esprit du traité, en manipulant son programme nucléaire civil à des fins militaires.

Comment, alors, réagir aux agissements iraniens? Il y a l'option militaire. Une frappe aérienne pourrait détruire une partie des installations nucléaires iraniennes. Cette option serait soutenue par le premier ministre israélien contre l'avis de ses chefs militaires et des services de renseignements. À la notable exception de Mitt Romney, elle est aussi l'option des candidats américains à l'investiture républicaine, dont toute la politique étrangère se résume à prier Dieu et à crier «bombardons l'Iran». Le président français, Nicolas Sarkozy, a déjà répondu sur ce sujet que «tous les problèmes internationaux ne pouvaient être réglés par les bombes».

Il reste l'option des sanctions. Depuis une dizaine d'années, les pays occidentaux ont adopté une série de mesures frappant des dirigeants iraniens et l'économie de ce pays. Le Conseil de sécurité de l'ONU a aussi imposé certaines sanctions envers le régime. On a dit longtemps qu'elles ne servaient à rien, ce qui était en partie juste puisqu'elles ne visaient pas directement les exportations pétrolières qui représentent la moitié des revenus de l'État.

Pourtant, elles contribuent à isoler le régime et à le déstabiliser. La contestation est de plus en plus virulente dans le pays, et, en 2009, l'opposition a failli prendre le pouvoir et a été durement réprimée pour avoir manifesté contre les résultats des élections. L'économie est au plus bas et la décision prise il a y quelques jours par l'Union européenne d'imposer des sanctions pétrolières aura cette fois-ci des conséquences très dures.

Entre les frappes militaires et les sanctions, les Occidentaux ont choisi la deuxième option afin de forcer l'Iran à renoncer à son programme atomique. Ce choix pourrait bien être le plus avisé.

Depuis dix ans, bien des spécialistes prédisent que l'Iran aura une bombe incessamment, mais d'autres pensent que ce n'est pas pour demain. Ces derniers ont sans doute raison, car l'Iran subit une guerre de l'ombre - assassinats de scientifiques et virus informatiques attaquant les sites nucléaires - qui fragilise son programme nucléaire un peu plus chaque jour.

Sur le plan politique, le régime est miné par des querelles internes. En mars, les élections législatives - qualifiées par un leader du régime comme les plus importantes depuis la révolution de 1979 - s'annoncent houleuses. Les présidentielles de l'année prochaine le seront encore plus.

Compte tenu de ce climat délétère, les gesticulations guerrières des dirigeants iraniens au cours des derniers jours ne doivent donc pas nous surprendre. Elles peuvent toutefois être dangereuses, car un dérapage n'est pas exclu.

En juillet 1988, en pleine guerre Iran-Irak, un navire militaire américain a tiré un missile et abattu un Airbus civil iranien causant la mort de 290 passagers. L'émotion fut grande, mais l'affaire fut réglée, si on peut dire, par le versement d'indemnités aux familles des victimes. Qui sait ce qui peut arriver demain?