«Non, on ne peut pas rire de tout», écrit Gilbert Cesbron dans son livre Journal sans date. «Pas de ce qui touche les gens de près. Un comique qui dégrade les valeurs qui le sont déjà - et c'est un piège - tombe dans la vulgarité... Le comique doit être responsable. S'il fait rire, c'est d'une façon qui doit rester honorable. Les limites de l'humour, c'est le respect de l'autre.»

L'humour est une philosophie souriante de la vie. Doris Lussier écrit que l'humour est le sourire de l'intelligence qui sait accepter l'humanité avec tous ses petits travers et ses grandes bêtises. Et Madame de Staël de renchérir: «L'humour permet de traiter drôlement de choses graves et gravement de choses drôles. Grâce à l'humour, il est permis de tout dire sans avoir l'air d'y toucher».

À quel râtelier l'humour peut-il se nourrir constamment? Des travers des êtres humains, des professions, des femmes, des politiciens (je ne dis pas: de la politique au sens noble du mot), des situations de la vie quotidienne, de Dieu même.

Pour le père Gédéon, «l'humour est un des noms de la sagesse et la fine fleur de la culture humaine. Plus un homme a de la culture, mieux il connaît et aime les êtres de l'Univers dans lequel il vit, plus il a le sens de la relativité des choses de ce monde» et plus il peut se permettre d'en rire. Bref, l'humour, c'est l'état de grâce de l'intelligence humaine. La vérité toute nue effarouche les êtres humains. Habillée de la robe de l'humour, elle est mieux acceptée.

L'humour est la soupape de sûreté de la société. L'humour permet aux citoyens de se défouler, de se bidonner, de brocarder les pouvoirs. Tous les pouvoirs. «Ils dégonflent les orgueils, démystifient les systèmes, brisent les idoles, percent les carapaces des conformismes, désamorcent les fanatismes, confondent les vaniteux, désacralisent les hommes, dénoncent la bêtise des hauts placés».

L'humour, l'humilité, l'humus, l'humain sont des mots de même famille. L'humour est le terreau de l'être humain. L'humour et l'humilité s'éclairent l'un par l'autre. L'humour, dit toujours mon ami Doris Lussier, est le frère souriant de l'humilité.

La plupart des humoristes se permettent de déboulonner, sans limites, n'importe quelle institution, n'importe quel individu. Ils ont les ondes, la télé à une heure de grande écoute. Ils ne perçoivent pas toujours les conséquences de leur propos. Ils en arrivent - et c'est sans doute le cas du Québec - d'aller jusqu'à faire vaciller les valeurs fondamentales d'une société.

Je signale trois authentiques humoristes. D'abord, Muriel Robin. Elle affirme que l'humour est une arme dangereuse. Aussi, dit-elle, les meilleurs savent faire rire les gens sans les blesser. Pour que le rire fonctionne, il faut que les valeurs résistent, ou alors, c'est l'ère du vide. Nous risquons aujourd'hui de désenchanter le rire.

Raymond Devos débite sans rire que «le rire est une chose sérieuse avec laquelle il ne faut pas plaisanter». Coluche aura le mot de la fin: «Je ferai remarquer aux hommes politiques qui me prennent pour un rigolo que ce n'est pas moi qui ai commencé».

Vous pouvez rire!