À l'occasion du Nouvel An, vous étiez invités à nous faire part de vos réflexions sur le passage du temps. Voici quelques-unes des lettres que nous avons reçues.

Le temps passe. Je suis déjà d'un autre siècle. J'aurai 50 ans en 2012. J'aurai la joie de voir ma petite-fille grandir et mon petit-fils naître. J'ai un travail que j'aime, l'argent nécessaire pour avoir une vie agréable et j'apprécie ce que je possède et ce qui m'entoure. Et pourtant...

Ma grandméritude ne ressemble pas à celle des générations précédentes. Je travaille à temps plein, je m'entraîne au gym, je porte des talons hauts et je passe parfois pour la mère de ma petite-fille. J'ai peut-être l'air jeune, mais par ailleurs les mères sont de plus en plus âgées, occupées qu'elles sont à courir après leur temps. L'horloge biologique les rattrape plus tard maintenant: preuve que tout va trop vite, même l'horloge biologique n'y arrive plus!

Je crains de n'avoir pas goûté ce que j'ai, en courant après ce que je n'ai pas. À peine Noël est passé que les chocolats et les décorations de la St-Valentin font leur apparition dans les magasins, bientôt remplacés par ceux de Pâques, puis par les décorations, déguisements et bonbons d'Halloween, et, inexorablement, le retour des clinquants de Noël. Encore une année écoulée que je n'aurai pas vue passer.

Nous ne sommes jamais ancrés dans le moment présent. Nous préparons continuellement ce qui vient, avant même d'avoir profondément apprécié ce qui se passe maintenant. Je vois les jeunes accrochés à leur cellulaire comme à une bouée leur permettant de rester à la surface du temps. On assiste à tout en temps réel.

Je suis d'un autre siècle et j'ai connu les dimanches. Qui se souvient de ces journées monotones, où il n'y avait rien d'autre à faire que d'être face à soi-même? On ne pouvait se fuir: il n'y avait nulle part où aller, sinon à l'église.

Les dimanches, les voyages, les lettres, les téléphones commandaient une certaine préparation, une attente, un désir, une anticipation...

Pour marquer le coup de mes 50 ans cette année, je me souhaite ardemment des interstices, des intervalles, des entractes entre mes courses à la réussite et à la performance. Du temps pour regarder mes petits-enfants grandir, pour tout simplement les écouter vivre.

Je veux écrire des lettres à la main, téléphoner, perdre mon temps en pleine connaissance de cause, rester assise et flatter mon chien et mon chat, me donner la permission de regarder la poussière s'accumuler et regarder mes fenêtres sales en me disant que, si elles sont sales, c'est que j'ai investi du temps dans mes relations humaines.

Fermer mon cellulaire, fermer mon compte Facebook, prendre le dictionnaire pour chercher un mot et oublier le mot que je cherchais en découvrant d'autres mots, choisir un livre dans ma bibliothèque et le relire, apprendre la plongée sous-marine pour m'obliger à respirer de façon consciente: poser des actes de reconquête de moi-même.

Quoi que je fasse, quoi que j'espère, je vais vieillir et mourir. J'aimerais me rendre à 100 ans. Je veux surtout que mon visage se ride en paix. Accepter que mon corps change, que je sois d'un autre siècle, et que les choses soient différentes. Vivre le temps présent même à l'imparfait.

Jean-Yves Dubuc

CONTRE VENTS ET ANNÉES

Aujourd'hui, je pourrais parler de la vitesse foudroyante de la vie, du sentiment que tout passe vite. De m'apercevoir que j'ai vu un ami il y a un mois et pourtant, j'aurais juré que c'était la semaine dernière. De penser à mon avenir, de ce que j'ai le goût d'accomplir et, durant juste ce moment, il s'est écoulé un an...

Je pourrais aussi vous parler du temps qui file et de l'urgence de faire ce que l'on veut, ce que l'on peut, là, maintenant, car un jour il sera trop tard. Saviez-vous que six mois c'est déjà demain?

Plus le temps passe et plus je réalise que j'ai horriblement peur du jour où je ne pourrai plus me fier à mes capacités physiques. Que je serai dépendant d'autrui et des circonstances. Que je regarderai la vie se dérouler sans moi, sans mon désir. De devenir vieux... finalement.

Mais, en fin de compte, l'essentiel n'est pas là. L'essentiel est dans la force d'agir, la force de décider contre vents et années. L'essentiel est de faire une chose, une seule, vraiment importante pour soi, avec passion, et d'y aller jusqu'au bout.

C'est le seul remède pour ressentir un peu en cette griserie de la vitesse, de la vieillesse, et du temps qui passe. C'est le seul remède pour se sentir vivant, là, présent au milieu d'une fuite dans le passé ou l'avenir.

Ginette Roy

LA POUSSIÈRE NE SE SAUVERA PAS

À la retraite depuis bientôt 11 ans, je n'ai pas vu ces années passer, sauf sur mon corps! Il semble que j'avais plus de temps lorsque je travaillais, car je sprintais pour tout faire dans une seule journée, afin de profiter pleinement des jours de congé qui restaient avant de retourner au boulot.



Mais j'avais une vie facile si je la compare à celle des jeunes d'aujourd'hui, qui courent constamment après leur temps, qu'ils n'arrivent pas à gérer, faute de temps. Mon seul conseil: prenez le temps de jouer avec vos enfants, de les amener au cinéma, à la bibliothèque, au parc. Prenez le temps de visiter les grands-parents qui s'ennuient de leurs petits-enfants et de leurs enfants! Gardez-vous du temps pour votre vie de couple, pendant que vous vivez encore en couple. Une maison impeccable ne vaut pas le temps passé en famille ou avec des amis. La poussière ne se sauvera pas, elle attendra bien votre passage une autre journée! Prenez du temps pour vous-même. Une personne détendue accomplira davantage qu'une personne stressée et sera de meilleure compagnie.

Au fait, quelqu'un peut me dire où va tout ce temps perdu? Je le distribuerais aux personnes qui me sont chères et que je ne vois pas assez souvent.

Sylvie Paquette

LE TEMPS PERDU... À JAMAIS

Il est si facile de faire un chèque pour combler des besoins. Si facile de se sauver vers le Sud, pour éviter les rencontres familiales du temps des Fêtes. Si facile de faire chik-a-chik - n'a-t-on pas toute l'année pour payer? - afin de s'offrir le dernier bidule à la mode. Si facile de perdre son temps au boulot après 17h au nom de la performance ou de la prime qui nous pend au bout du nez si on est l'employé modèle et désintéressé de sa vie familiale. Si facile de ne pas prendre son temps. Il faut bien combler les vides...

Le temps, qu'on se le tienne pour dit, ne reviendra jamais. Votre temps, que vous donnez si généreusement à votre multinationale ou à votre si gentil patron, au fort prix de la reconnaissance, n'est pas monnayable en temps de qualité. Vous sortez du bureau avec votre cellulaire vissé à l'oreille, en négociant le contrat de demain? Qui vous attend à la maison? Personne? Posez-vous des questions. Vous avez la chance qu'un conjoint tolérant vous attende? Pour combien de temps encore?

Alors, il est là le temps. Le temps de décrocher, de penser, de cuisiner, de marcher, de lire, de jardiner, de dormir, de rire, de pleurer, de chialer, d'aimer. De vivre, quoi! Que ça peut être cliché de dire qu'on a une seule vie à vivre, mais, jusqu'à ce jour, nous n'avons pas trouvé d'autre formule.

Tic, tic, tic, il va passer le temps. Et je veux que nous soyons les meilleurs amis du monde, lui et moi.

Françoise Dubé

AVOIR MOINS MAIS ÊTRE PLUS

Le passage à la nouvelle année me fait réfléchir. C'est une chance que le temps soit représenté en années et en mois, bien en évidence sur les 12 pages d'un calendrier. Si ce n'était pas le cas, nous serions privés de cette preuve tangible et palpable et nous en serions davantage étonnés de constater les changements physiologiques que nous renvoie notre miroir.

Vivre au rythme que semble commander la vie moderne nous empêche de prendre conscience de notre réalité. Nous courons vers un idéal dicté par une société de consommation. Mais est-ce vraiment ce dont nous avons besoin? Malheureusement quand nous sommes dans la force de l'âge, nous sommes animés par l'ambition. C'est une belle vertu l'ambition, mais elle nous fait souvent perdre les plus belles années de notre de vie. Les années où nous sommes en santé et le plus aptes à profiter des plus beaux moments, le temps que nos enfants ont besoin de notre présence. Nous prenons part à cette course folle en visant un but lointain. Mais qui d'entre nous possède la certitude que dans quelques années nous serons encore là et que nous profiterons encore de nos pleines capacités?

Bien sûr, il faut travailler pour subsister, nous n'avons pas le choix. Mais il y a une différence entre travailler pour vivre et vivre pour travailler.

Il faut prendre le temps de réaliser que bien souvent nous possédons tout ce qu'il faut pour être heureux. Il vaut mieux parfois avoir moins, mais être plus. Profiter de la compagnie de ceux qu'on aime, se contenter de ce que nous possédons, même si cela comporte des rêves non réalisés.

Que nous soyons très occupés et très pressés, ou avec du temps devant nous et le pas au ralenti, la vie elle, file toujours au même rythme, elle a sa vitesse de croisière.

Inutile de tenter de la déjouer, c'est elle qui décidera le moment du départ.

Robert Riel

LE TEMPS PERDU... DANS LE TRAFIC

«Le temps passe. Et chaque fois qu'il y a du temps qui passe, il y a quelque chose qui s'efface», affirme Jules Romain.

On connaît la maxime: le temps, c'est de l'argent. Beaucoup considèrent le temps comme une denrée encore plus précieuse que l'argent. Bien qu'il existe toujours des impondérables, comme les files d'attente aux urgences, dans les cliniques et hôpitaux, il n'en demeure pas moins que l'on devrait continuer à chercher des façons de sauver du temps, autant qu'on le fait pour accumuler plus de revenus.

De toutes les situations qui nous subtilisent du temps, le bouchon de circulation est celle qui semble horripiler le plus de gens. Les déplacements en voiture dans la province deviennent de plus en plus chronophages.

On nous apprend à gérer notre temps de façon parcimonieuse, mais nous perdons plusieurs heures dans des embouteillages. Selon une étude publiée dans La Presse, les résidants de la couronne Nord de Montréal perdent en moyenne six jours par année à cause de la congestion routière. Et les prochains travaux vont empirer la situation.

Pensons à l'impact des sautes d'humeur sur notre système nerveux. Il faut se rendre à l'évidence, certains d'entre nous devront envisager sérieusement d'autres options plus économiques et surtout moins consommatrices de temps.

Autant les utilisateurs du réseau routier devront toujours faire preuve de patience, autant les autorités responsables des travaux de réfection devront porter une attention particulière aux conséquences des projets routiers et à la façon de réduire les embouteillages. Nous apprenions récemment que le parc de véhicules dans le monde était estimé à 800 millions en 2010 et pourrait atteindre 1,2 milliard dans 10 ans. Par conséquent, il est urgent de trouver des solutions de rechange qui grugent moins de temps.

«Le temps que l'on perd ne revient pas; le temps qu'on gagne non plus d'ailleurs», écrit le romancier Jean-Marie Poupart. De temps en temps, réfléchissons afin de bien saisir les impacts du temps qui passe.