L'élection d'un gouvernement conservateur majoritaire le 2 mai dernier inquiète plusieurs Canadiens, qui voient avec appréhension l'élaboration de certaines politiques, notamment sur le plan social.

L'élection d'un gouvernement conservateur majoritaire le 2 mai dernier inquiète plusieurs Canadiens, qui voient avec appréhension l'élaboration de certaines politiques, notamment sur le plan social.

De par la nature même de notre système parlementaire, la mainmise conservatrice sur les deux chambres du Parlement fédéral réduit l'opposition officielle à un rôle de protestation et garantit virtuellement l'adoption de tout projet de loi déposé par le gouvernement. Le véritable rôle de chef de l'opposition au cours des prochaines années sera joué par les provinces. Cela est possible grâce aux pouvoirs qu'elles détiennent, de par le caractère décentralisé de la fédération canadienne.

Un gouvernement majoritaire au sein de notre système parlementaire, contrôle à toutes fins pratiques l'ensemble du processus décisionnel. Contrairement au système américain, où les branches législative (Congrès) et exécutive (président) sont clairement séparées, le chef d'un gouvernement majoritaire, au sein du système parlementaire britannique, contrôle ces deux branches.

Le Sénat, qui en théorie devrait offrir un contrepoids à la Chambre des communes, avalise plus souvent qu'autrement les décisions de cette dernière, dû au fait que la majorité des sénateurs sont nommés à vie par le chef du gouvernement.

Le Canada demeure l'une des fédérations les plus décentralisées au monde. En plus d'un partage des compétences qui accorde de vastes pouvoirs aux provinces canadiennes -- notamment en matière de santé ainsi que de propriété et droits civils -- les provinces canadiennes bénéficient également d'un pouvoir administratif dans le domaine de la justice civile et criminelle.

En l'absence d'une opposition efficace au sein du Parlement canadien, les provinces peuvent bloquer ou, jusqu'à un certain point, modérer l'application de certaines lois fédérales. Que l'on pense aux projets fédéraux d'élimination du registre des armes à feu, de l'annulation des subventions pour les centres d'injection supervisée, de la réforme du Sénat et du projet de création d'un régulateur fédéral unique dans le domaine des valeurs mobilières.  

Dans le domaine de la justice criminelle, le Québec a déjà fait savoir qu'il pourrait mettre sur pied son propre registre des armes à feu, dans l'éventualité où le registre fédéral serait aboli. De plus, la Cour suprême doit sous peu déterminer si l'administration des centres d'injection supervisée est de matière provinciale ou fédérale. Une décision en faveur des provinces permettrait à la Colombie-Britannique de continuer d'administrer ces cliniques, nonobstant l'opposition du gouvernement fédéral.

En ce qui a trait au Sénat, le gouvernement fédéral tente déjà de mettre en oeuvre certaines mesures, dont des mandats de durée limitée pour les sénateurs, afin de rendre la Chambre haute plus imputable. Cependant, toute réforme en profondeur du Sénat, incluant le nombre de sénateurs et leur répartition géographique, devra compter sur l'appui d'au moins sept provinces, représentant au moins 50% de la population du Canada, à cause de la formule d'amendement constitutionnel.

Dans le domaine des valeurs mobilières, la Cour d'appel du Québec a récemment donné raison au Québec et à l'Alberta, affirmant que la création d'une commission unique des valeurs mobilières irait à l'encontre des compétences provinciales.

Finalement, depuis 2003, les provinces bénéficient d'un outil additionnel, le Conseil de la fédération, qui leur permet de se réunir et d'outrepasser au besoin le forum qu'offrent les conférences fédérale-provinciales.

Le fédéralisme a été créé à la base pour éviter la concentration de tous les pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires au sein d'un même palier de gouvernement. La concentration de ces pouvoirs au sein d'un système unitaire (France, Royaume-Uni) ou encore au sein d'une fédération centralisée (Venezuela, Mexique) n'offre pas le contrepoids qu'offre le système fédéral canadien et qui permet aux provinces d'exercer un véritable rôle d'opposition et d'empêcher ou de limiter l'impact de législation fédérale qui peut aller à l'encontre de leurs valeurs et de leurs politiques.