La dévoreuse maladie d'Alzheimer l'enfermait dans une tourmente mentale et une décrépitude physique à fendre l'âme. Toute tentative de vouloir comprendre s'avérait un échec. Une prise de conscience momentanée chez elle, assassine le peu de vie qu'elle subit. C'est le déchirant portrait de ma mère, qui nous appelait jour et nuit, ne sachant ni l'heure ni la couleur du ciel.

La dévoreuse maladie d'Alzheimer l'enfermait dans une tourmente mentale et une décrépitude physique à fendre l'âme. Toute tentative de vouloir comprendre s'avérait un échec. Une prise de conscience momentanée chez elle, assassine le peu de vie qu'elle subit. C'est le déchirant portrait de ma mère, qui nous appelait jour et nuit, ne sachant ni l'heure ni la couleur du ciel.

Notre impuissance et l'urgence de l'aider nous forcèrent à l'amener à l'hôpital. Ce fut le début de la fin... là où nous avions mis confiance et espoir.

Cette maladie désarticule toute autonomie mentale et physique, et exige un environnement et un personnel spécialement formé. Pourquoi ne pas instaurer un protocole spécifique dès leur admission et répondant aux besoins criants de ces patients? On éviterait les angoisses, les douleurs de la solitude et l'affaiblissement de leurs facultés cognitives. Et surtout, cette situation permettrait une vraie communication entre la famille, le patient et le personnel. Situation si peu existante!

La personne atteinte d'Alzheimer demeure une personne ayant droit à sa dignité et à une qualité de vie humaine pour elle et ses proches. Avoir droit à son dossier médical est une nécessité. Rencontrer les médecins, discuter des traitements et des effets encourus, analyser les réactions, les noter et les partager avec la famille devraient faire partie intégrante du traitement. Mais le patient n'a plus son mot à dire, ses droits lui sont confisqués, on le réduit à sa maladie. On oublie que derrière les troubles de comportements se cache un appel à l'aide. Alors, on double les doses, on ne comprend pas. Et moi d'exiger de voir son dossier. Je suis SA voix, et j'en ai légalement le droit!

Le premier soir elle est abandonnée dans un corridor, à moitié dénudée, abrutie par je ne sais quel médicament, ma mère parmi tant d'autres, comme elle, est réduite à une image sans nom. Aucun médecin. Que des questions sans réponse.

Le troisième soir, elle est transférée dans une chambre et on diagnostique une infection urinaire. Endormie ou droguée, encore le même silence à mes questions. Je la rassure dans ses émotions rendues muettes.

Deux semaines passent. On monte maman aux soins prolongés. Pourquoi?

La pose d'une sonde urinaire lui fait l'effet d'un viol et engendre une terrible terreur. Ne sait-on pas que la moindre brusquerie la plonge dans une panique totale?

Et là, j'ose parler de maltraitance. Oui, je le crie haut et fort ! Les négligences se multiplient chaque jour: dénutrition, hygiène corporelle et buccale quasi inexistante. Aucune bienveillance, que des humiliations et de l'indifférence!

À mes commentaires et à ses questions: «Elle ne s'en souviendra pas... qu'est-ce ça donne!»

Mais la mémoire du coeur existe toujours, elle ressent les vibrations d'un soignant. Si ce dernier sait attirer sa confiance, la compréhension de la personne atteinte se fera au niveau de l'affectivité.

Accompagner nos êtres aimés dans cette souffrance est inhumain. La famille et l'équipe médicale pourraient tellement travailler de pair pour soulager leurs tempêtes intérieures!

Moi, j'ai un souvenir précis et douloureux du séjour final de ma mère dans cet hôpital!

Pour elle et pour tant d'autres, que leur mort serve à exiger plus de formation spécialisée, soit par l'entremise de la Société d'Alzheimer ou d'autres organismes.

Avoir droit au dossier médical serait un premier pas vers un protocole plus humain.

C'est aussi ça, mourir dans la dignité et le respect. La mémoire du coeur n'oublie pas...