Le 22 mars 2010, le conseil de ville de Montréal votait à l'unanimité une motion présentée par Vision Montréal qui appuyait la création du Bureau des enquêtes spéciales qui interviendrait lors d'incidents impliquant des policiers en cas de décès ou de blessures graves de personnes.

Le 22 mars 2010, le conseil de ville de Montréal votait à l'unanimité une motion présentée par Vision Montréal qui appuyait la création du Bureau des enquêtes spéciales qui interviendrait lors d'incidents impliquant des policiers en cas de décès ou de blessures graves de personnes.

Cette idée émanait de la Protectrice du citoyen. Celle-ci recommandait que le Bureau des enquêtes spéciales ait les caractéristiques suivantes: qu'il fasse rapport au ministre de la Sécurité publique; que les commissaires n'aient jamais été policiers; que soit reconnu aux enquêteurs et au directeur des enquêtes le statut d'agent de la paix; que le Bureau des enquêtes spéciales puisse confier, selon les circonstances et son évaluation, la réalisation de certaines parties de l'enquête à un service de police qu'il désignera, notamment certains aspects techniques et scientifiques, tout en demeurant pleinement responsable des conclusions de l'enquête.

La mort tragique de Mario Hamel et de Patrick Limoges relance avec une rare pertinence le débat sur les mécanismes d'enquêtes civils concernant la police. Si nous nous félicitons comme élus d'avoir soulevé ce débat dès mars 2010, nous reconnaissons que le travail policier dans une grande ville comme Montréal est à la fois difficile et exigeant. La police a la responsabilité de protéger les citoyens, de faire respecter la loi et, ultimement, d'utiliser la force et la coercition, lorsque nécessaire.

Toutefois, nous réaffirmons notre conviction que lorsque des incidents impliquent des policiers et qu'il y a enquête, le statu quo n'est plus acceptable.

Il nous apparaît qu'il y a quatre arguments qui militent avec force en faveur de la création d'un Bureau des enquêtes spéciales:

1. Lorsque des policiers enquêtent sur d'autres policiers, nos concitoyens sont nombreux à penser que les conditions objectives d'impartialité et de crédibilité ne peuvent être réunies. D'abord, les policiers enquêteurs peuvent, de par leurs antécédents professionnels, connaître les policiers enquêtés. Leurs activités futures peuvent les réunir à nouveau. Ensuite, les principaux corps policiers sont loin d'être représentatifs en leur sein des groupes minorisés;

2. L'idée que des civils puissent contribuer à des enquêtes impliquant des policiers a des racines profondes, plusieurs rapports, commissions, s'en sont faits les défenseurs;  

3. Plusieurs expériences concluantes ont été menées en ce sens, la GRC affecte un observateur indépendant aux enquêtes impliquant d'autres policiers de la GRC. En Ontario, les enquêteurs de l'Unité des enquêtes spéciales (UES) sont tous des civils, mais principalement d'anciens policiers, pour ne citer que ces deux exemples;

4. Nous sommes convaincus que l'École nationale de police du Québec serait en mesure de mettre sur pied des programmes de formation aux techniques criminelles destinées à des civils. Nantis d'une solide formation, avec un processus de sélection rigoureux, des civils peuvent contribuer à donner aux enquêtes un caractère d'impartialité qui leur fait cruellement défaut.

D'Anthony Griffin, en 1987, jusqu'à Mario Hamel en juin dernier, près d'une trentaine de personnes sont tombées sous les balles de policiers. Il ne nous appartient pas comme élus de juger de la pertinence du déroulement des interventions policières.

Nous pouvons cependant prendre l'engagement, comme opposition officielle au Conseil de ville, que parce que nous souhaitons que ces personnes ne soient pas mortes en vain, nous travaillerons à ce que «la police cesse d'enquêter sur la police».

* Les auteurs sont respectivement chef de l'opposition officielle au conseil de ville de Montréal et vice-président de la Commission de la sécurité publique à l'agglomération de Montréal.