Depuis les élections partielles de 2002, le Parti québécois est en sursis. À plus d'une reprise, son existence a été compromise et en 2007, l'ADQ est parvenue à le déclasser. La prochaine formation d'un parti dirigé par François Legault rajoute à la spéculation sur son éventuel remplacement. Dans les circonstances, la démission spectaculaire de quatre députés incarnant chacun à leur manière la crédibilité du souverainisme officiel annonce une crise qui n'en est encore qu'à ses premiers instants.

Depuis les élections partielles de 2002, le Parti québécois est en sursis. À plus d'une reprise, son existence a été compromise et en 2007, l'ADQ est parvenue à le déclasser. La prochaine formation d'un parti dirigé par François Legault rajoute à la spéculation sur son éventuel remplacement. Dans les circonstances, la démission spectaculaire de quatre députés incarnant chacun à leur manière la crédibilité du souverainisme officiel annonce une crise qui n'en est encore qu'à ses premiers instants.

Il ne faut pas se laisser bluffer: si les motifs des démissionnaires semblent sincères (et paradoxalement dérisoires, pour ne pas dire futiles et erronés), ils sont néanmoins symptomatiques d'autre chose: un diagnostic latent portant sur l'épuisement historique du Parti québécois. Ce n'est pas que Pauline Marois accumule les mauvais choix: plusieurs ont applaudi le virage identitaire et espéraient qu'à défaut de l'indépendance, le PQ poursuive une série de réformes nationalistes. D'ailleurs, Pierre Curzi et Louise Beaudoin étaient associés à ce virage. Mais l'âme n'y est manifestement plus.

La comparaison avec l'Union nationale s'impose. Malgré les bobards sur la «Grande noirceur», ce parti a bien servi le Québec en défendant l'autonomie provinciale à une époque de centralisation sans précédent du régime fédéral. L'UN a aussi contribué à la mise en forme d'un nationalisme centré sur le Québec d'abord. Mais au début des années 70, sa date de péremption a frappé et le PQ a pris le relais, même s'il n'a jamais vraiment assumé cette filiation.

De la même manière, le Parti québécois a su porter l'idée d'indépendance de manière convaincante. Il a aussi défendu l'identité québécoise sur le plan linguistique jusqu'au deuxième référendum. Pourtant, on ne saurait nier qu'il a échoué à accomplir sa raison d'être. À part quelques croyants scandant «on veut un pays» à chaque congrès, qui croit encore que le PQ fera l'indépendance?

Dans les années 60, l'indépendance du Québec est passée de rêve à idée à projet. Aujourd'hui, elle fait le chemin inverse. Elle se folklorise. Les plus mélancoliques résument la chose ainsi : le Québec est ainsi passé à côté de son destin. Ils n'ont probablement pas tort. Pourtant, le jour où le peuple québécois renoncera pour de bon à l'idée d'indépendance, un ressort intime de l'identité québécoise se brisera. Il y a une charge tragique dans l'histoire québécoise.

Avec le PQ, la souveraineté a désormais l'allure d'un fantasme générationnel, d'un supplément d'âme pour un modèle social technocratisé. Rien ne caractérise mieux le Québec actuel que le sentiment d'un immense blocage politique. Même s'il est vieux de 50 ans, l'héritage de la Révolution tranquille structure encore l'espace politique québécois. La question nationale telle qu'on l'a connue est devenue le symbole de cette paralysie, et son gardien péquiste, la caricature de ce symbole. On peut s'en désoler. On ne peut sérieusement le nier.

Pourtant, à travers l'implosion appréhendée du PQ, le Québec s'affranchit définitivement de la Révolution tranquille. Une recomposition politique majeure est enclenchée. La gauche indépendantiste et la frange populiste du courant national se reportent actuellement vers Amir Khadir. Inversement, une bonne partie des souverainistes plus modérés envisage avec une sérénité qui n'est pas exempte de tristesse leur passage à la mouvance Legault, pour peu qu'elle parvienne à battre pavillon du Québec d'abord.

Il n'est plus possible aujourd'hui de poursuivre les querelles initiées avec la Révolution tranquille. Si la souveraineté doit advenir, ce ne sera pas celle qu'ont imaginé les boomers. Le PQ est le dernier gardien d'une «configuration politique» qui paralyse la société québécoise. Certes, les démissionnaires du PQ risquent de lui faire très mal. Ils vont peut-être aussi semer les graines du nationalisme dans un environnement plus fertile. Qui sait ce que pourrait alors donner la récolte?