Récemment, Jack Layton a momentanément pris ses distances par rapport à la position défendue par des membres québécois de son caucus à l'effet qu'une majorité de 50% plus 1 serait suffisante pour effectuer la sécession du Québec.

Récemment, Jack Layton a momentanément pris ses distances par rapport à la position défendue par des membres québécois de son caucus à l'effet qu'une majorité de 50% plus 1 serait suffisante pour effectuer la sécession du Québec.

Plusieurs acteurs et observateurs de la scène politique ont décrit ce débat comme si l'appui à la règle du 50% plus 1 était une position «pro-Québec» et ils y ont vu un premier test de l'ouverture de M. Layton envers le Québec.

Je crois fermement que ce n'est pas être ouvert au Québec qu'envisager de nous placer dans la situation absurde d'avoir à quitter le Canada sur la base d'un recomptage judiciaire.

Il y a deux raisons fondamentales pour lesquelles la négociation d'une sécession ne devrait se faire que sur la base d'une majorité claire.

Premièrement, les décisions graves et irréversibles, qui engagent les générations futures, doivent se prendre par consensus plutôt que sur la base de majorités faibles et incertaines. Or il ne fait aucun doute que la sécession est un acte grave et probablement irréversible, car il est presque impossible de reconstruire un pays après l'avoir brisé. Un tel geste engage les générations futures et entraîne de lourdes conséquences pour tous les citoyens du pays qui se fait ainsi scinder.

Deuxièmement, même avec la meilleure volonté du monde, la négociation de la scission d'un État moderne serait une entreprise difficile et semée d'embûches. Il ne faudrait pas que pendant que les négociateurs s'affairent à parvenir à un accord de séparation, la majorité bascule et devienne opposée à la sécession. Ce serait là une situation intenable. C'est pourquoi il ne faudrait lancer un tel processus qu'avec l'appui d'une majorité suffisamment ample pour qu'elle subsiste malgré les inévitables difficultés de la négociation.

L'avis de la Cour suprême du Canada sur la sécession du Québec mentionne 13 fois l'expression «majorité claire» ou «claire majorité» et fait aussi référence à «l'ampleur» de la majorité. Cependant, la Cour ne nous encourage pas à tenter de fixer à l'avance le seuil d'une telle majorité claire: «Il reviendra aux acteurs politiques de déterminer en quoi consiste "une majorité claire en réponse à une question claire", suivant les circonstances dans lesquelles un futur référendum pourrait être tenu.»

Cet avis de la Cour est empreint de sagesse. L'examen de ce que serait la clarté d'une majorité a une dimension qualitative qui exige une évaluation politique effectuée dans la pleine connaissance des circonstances concrètes du moment. Aussi est-il impossible de fixer aujourd'hui, dans l'abstrait, le seuil d'une telle majorité claire.

De plus, fixer un seuil à l'avance, quel qu'il soit, nous exposerait au risque qu'une décision aussi grave que celui du choix d'un pays dépende du résultat d'un recomptage judiciaire ou de l'examen des bulletins rejetés. Ce serait insensé.

Pour limiter les risques de désaccord à propos de la clarté de la majorité, il suffit que le gouvernement qui propose la sécession ne tienne pas de référendum tant qu'il n'a pas l'assurance raisonnable de le gagner clairement.

Cette assurance pourrait venir de divers indicateurs: majorités stables pour la sécession se dégageant dans les sondages, ralliement des différentes forces politiques à cette idée... C'est ce qui s'est produit ailleurs dans le monde: on n'a pas tenu de référendum pour savoir si une moitié du peuple voulait se séparer ; le référendum a plutôt été l'occasion de confirmer officiellement un appui évident à la sécession.