J'ai 33 ans et je vis à l'étranger, en Angleterre. Je suis comptable agréée. Je ne suis pas une hystérique gauchiste hippie, je ne suis jamais allée à une marche ou une protestation de ma vie. Je sais compter des dollars et des cents, et je suis rationnelle.

J'ai 33 ans et je vis à l'étranger, en Angleterre. Je suis comptable agréée. Je ne suis pas une hystérique gauchiste hippie, je ne suis jamais allée à une marche ou une protestation de ma vie. Je sais compter des dollars et des cents, et je suis rationnelle.

Et j'attends. J'attends que ce soit notre tour. J'attends que les gens se réveillent.

Avec les protestations du «printemps arabe», je me disais que le momentum était du bon bord, et j'écrivais à mes amis québécois que ce serait peut-être un moment propice. Avec les protestations en Espagne, un pays pas encore techniquement en banqueroute de l'Europe, je me dis qu'il y a peut-être une occasion.

On m'assure cependant que la crise n'a pas vraiment fait beaucoup de vagues au Québec et que les Québécois sont encore bien installés dans leur deuxième voiture et dans leur jumelé à Laval.

C'est vrai que ça aide d'avoir faim, comme en Tunisie, ou de ne pas avoir d'emploi, comme en Espagne, ou de droits, comme en Égypte. C'est difficile de se mettre en colère quand on est bien, on a du pain et des jeux (une tactique vieille comme le monde), ou des jobs (partout sauf dans le manufacturier) et Star Académie. On a des scandales, de la grosse corruption sale et évidente, et tout ce beau monde qui continue de nous gouverner business as usual.

Je vais retourner au plan A alors. Je vais attendre que les baby-boomers deviennent, par attrition, moins significatifs au plan démographique. Je crois fermement qu'il y a un potentiel énorme dans ma génération, de jeunes gens qui sont offusqués, mais qui ne savent ou ne croient pas que c'est possible de renverser la vapeur.

C'est facile d'avoir l'impression que la situation actuelle a toujours prévalu. C'est pourtant faux. Les avancées rapides du capitalisme dans sa forme actuelle ont eu la vitesse exponentielle que l'on connaît tous dans le domaine technologique; comme je me rappelle avoir appris ce qu'était l'internet et le courriel à l'université il y a quelques années seulement, certains se rappelleront une ère où les gouvernements ne s'engageaient dans des conflits armés qu'à contrecoeur, où les néo-conservateurs et leur rhétorique faillie d'ouverture des marchés, de déréglementation, de globalisation ne contrôlaient pas l'opinion publique comme si leur position réductrice avait remplacé la religion catholique.

Les baby-boomers sont les auteurs de la situation actuelle. Ils ont connu les belles années (50 et 60) du boom de l'après-guerre, où on leur a inculqué à coups de massue les vertus du capitalisme. Maintenant que les moins imbéciles des baby-boomers réalisent que leurs inventions ne marchent pas, ils ne peuvent faire marche arrière et ils croient, ou du moins veulent nous faire croire, pour maintenir l'illusion jusqu'à ce qu'il soit trop tard pour eux de souffrir les conséquences en personne, que la machine capitaliste est trop grosse, irrémédiable et permanente pour qu'on ose s'y opposer.

Je suis enragée par la manière dont la génération des baby-boomers a emprunté sur notre avenir, sur nos ressources et le pouvoir, et la place quasi illimitée que les entreprises ont graduellement, sous leur veille, gagnée dans la vie publique.

Je ne suis pas la seule à être en colère. Bientôt, nous allons avoir la majorité, si on ne nous soûle pas avant ça avec des télévisions à écran plasma et des caves à vin en stainless. Et un jour, on va peut-être avoir le guts de faire notre propre pays, où on va pouvoir faire table rase et réinventer les règles du jeu.

J'attends.