Je n'entends pas ici spéculer sur ce qui s'est passé ou ne s'est pas passé il y a quelques jours entre Dominique Strauss-Kahn et une femme de chambre du Sofitel de New York. Mais je tiens pour acquis qu'à moins d'un retournement inattendu de l'affaire qui le concerne, Dominique Strauss-Kahn ne sera pas candidat à la primaire socialiste française, encore moins à l'élection présidentielle de 2012.

Je n'entends pas ici spéculer sur ce qui s'est passé ou ne s'est pas passé il y a quelques jours entre Dominique Strauss-Kahn et une femme de chambre du Sofitel de New York. Mais je tiens pour acquis qu'à moins d'un retournement inattendu de l'affaire qui le concerne, Dominique Strauss-Kahn ne sera pas candidat à la primaire socialiste française, encore moins à l'élection présidentielle de 2012.

Ce retrait transforme la donne politique française. Car si DSK n'était pas assuré de sortir gagnant d'une primaire socialiste où le «peuple de gauche» affichait ses réserves devant un mode de vie luxueux n'ayant rien à voir avec la frugalité qu'il aimerait reconnaître chez ses dirigeants, il n'en demeurait pas moins le favori des socialistes, et plus encore le candidat désigné par les sondages pour un triomphe au deuxième tour.

DSK était porteur d'une candidature assez singulière. Plébiscité par la classe médiatique, il était un représentant particulièrement doué de ce que Jean-Pierre Chevènement, dans une formule souvent reprise, a déjà nommé les élites mondialisées. Citoyen du monde convaincu de la désuétude des souverainetés nationales, il s'était converti au FMI en gestionnaire habile de la mondialisation, dont il se voulait un régulateur exemplaire. C'est peut-être pour cela, d'ailleurs, qu'il semblait tenté par la présidence française, sans la désirer ardemment.

DSK était certainement de gauche, mais d'une gauche ayant peu à voir avec le vieux fond jacobin français. Social-libéral en économie et libertaire dans les moeurs, il représentait d'une certaine manière l'héritage, la forme achevée de l'idéologie soixante-huitarde comme force de modernisation sociale. Sur les questions sociétales qui distinguent aujourd'hui la gauche et la droite tout autant que les questions économiques, il était clairement progressiste et éloigné des conservateurs.

S'ouvre à gauche une double course. La première, pour savoir qui récupérera le créneau d'une social-démocratie moderniste que cherchait à incarner DSK. Personne ne s'impose. La deuxième: les candidats qui cherchaient à se positionner sur une ligne alternative trouveront-ils maintenant l'espace pour faire valoir leur projet? Depuis plusieurs mois déjà, François Hollande cherchait à jouer l'outsider dans cette course en misant justement sur son enracinement corrézien pour représenter une gauche plus traditionnelle.

Mais les conséquences de ce retrait se feront aussi voir à droite. Nicolas Sarkozy pourrait en profiter. Lui dont la présidence se solde globalement par un échec sur les questions intérieures, mais qui est parvenu à quelques réussites authentiques sur le plan de la politique étrangère, vient de se débarrasser du seul rival qui pouvait lui faire concurrence sur le plan de la stature internationale. La chose compte dans un pays qui a encore les moyens d'une authentique présence dans le monde.  

Autre force appelée à se repositionner, le Front national de Marine Le Pen, qui entendait tirer profit de la candidature de DSK pour se présenter comme son meilleur ennemi. La stratégie du FN consistait à doubler une droite parlementaire éparpillée entre plusieurs candidats au premier tour et profiter d'un deuxième tour contre la gauche pour s'imposer comme pôle de recomposition populiste de la scène politique française. Sans être d'un coup révoqué, cette stratégie est désormais contrariée.

Retenons une chose : en politique, le basculement du destin d'un homme peut entraîner celui d'un pays. Avec DSK, c'est tout un courant modernisateur de la gauche française qui avait trouvé son héraut. Son sort est soudainement compromis. Et le scénario se complique pour une présidentielle dont plusieurs croyaient le deuxième tour déjà joué. Cela devrait inviter à la modestie ceux qui spéculent toujours sur les grandes tendances, sans voir comment le bon ou le mauvais usage que chaque homme fait de sa liberté peut transformer l'existence d'une nation.