Montréal deviendra-t-il Detroit? La réponse à cette question est indubitablement «non». Montréal possède de nombreux atouts que Detroit ne possédait pas avant sa descente aux enfers. Son économie est plus diversifiée, sa population plus éduquée et mieux qualifiée, sa forme bâtie plus efficace.

Montréal deviendra-t-il Detroit? La réponse à cette question est indubitablement «non». Montréal possède de nombreux atouts que Detroit ne possédait pas avant sa descente aux enfers. Son économie est plus diversifiée, sa population plus éduquée et mieux qualifiée, sa forme bâtie plus efficace.

Pourtant, avec l'élection d'un gouvernement conservateur majoritaire sans aucun député de la région métropolitaine et compte tenu de l'attitude colonialiste du gouvernement provincial à l'égard de Montréal ces derniers temps, on est en droit de s'inquiéter quant à la représentation de la métropole québécoise auprès de ceux qui tirent les cordons de la bourse. Rappelons que c'est en perdant leur poids politique que de nombreuses villes américaines, dont Detroit, se sont engagées sur la voie du déclin.

Mais ce n'est pas la bataille politique pour l'avenir de Montréal qui importe le plus dans le contexte actuel. Ni même la guerre des emplois. C'est plutôt la bataille de l'imaginaire. Et c'est précisément cette bataille-là que Detroit, Cleveland, Philadelphie, Pittsburgh, Baltimore et ne nombreuses autres cités américaines aujourd'hui éventrées ont perdue - et que Montréal pourrait perdre à son tour.

Le dénigrement de Montréal dans le discours politique québécois n'est pas chose nouvelle - Montréal a toujours été dans le corps politique du Québec un corps étranger où se sont essentiellement concentrés, au fil du temps, des «étrangers». Cela n'a rien d'exceptionnel en soi et on peut difficilement défaire les mythes qui sont profondément ancrés en nous - comme celui de «Montréal/Gomorrhe, ville du péché».

Cela dit, l'exode massif vers les banlieues des francophones de l'île - y compris de ceux qui y sont nés et qui y ont grandi - n'est pas sans rappeler l'exode des Blancs qui ont fui en trombe les quartiers centraux des grandes villes des États-Unis à partir des années 60 pour s'installer dans les périphéries urbaines. Les emplois ont suivi (ou les ont devancés, tout dépendant). Puis les investissements en infrastructure, les services spécialisés, les congrès, les spectacles et même les équipes sportives, dans certains cas.

Il ne fait pas de doute que de nombreuses familles montréalaises quittent la ville principalement pour devenir propriétaire - ce «rêve» étant devenu hors de portée à Montréal. Mais il y a aussi quelque chose de plus subtil qui se trame présentement: malgré des investissements importants dans les infrastructures et l'aménagement, la Ville peine à entretenir convenablement son propre domaine public et de nombreux Montréalais se demandent pourquoi ils défendraient une ville qui ne se défend pas elle-même (par manque de moyens ou par manque de volonté, peu importe).

Faut-il densifier Montréal, pour qu'il y ait plus de contribuables? Mais si les quartiers centraux se densifient sans que la ville (et l'administration municipale) se prenne en main et prenne au sérieux le laisser-faire collectif qui s'y est installé, risque-t-on d'accélérer la fuite des familles?

En cette période de réflexion sur l'aménagement et l'avenir de la région métropolitaine, il importe de débattre de ces questions sur la place publique - parce que cet avenir nous concerne tous, de Sainte-Julie à Deux-Montagnes, de Vaudreuil à Repentigny. En passant bien sûr par Montréal.