La transformation  historique du Parti libéral du Canada en un tiers parti, de même que la «vague orange» et la décimation du Bloc québécois, sont parmi les changements les plus radicaux produits par les élections de la semaine dernière.

La transformation  historique du Parti libéral du Canada en un tiers parti, de même que la «vague orange» et la décimation du Bloc québécois, sont parmi les changements les plus radicaux produits par les élections de la semaine dernière.

Plusieurs analystes évoquent maintenant le scénario d'une fusion du PLC avec le NPD en se basant sur l'idée, venue on ne sait d'où, que les régimes parlementaires britanniques, à cause de leur propension au bipartisme, auraient pour effet d'étouffer les partis de centre en polarisant les choix politiques entre la gauche et la droite.

Le cas de la Grande-Bretagne, où le Parti libéral est depuis longtemps moribond, sert généralement de preuve à l'appui de cette thèse. La conclusion est simple: le PLC doit se laisser «avaler» par le NPD pour que la politique fédérale canadienne se normalise et prenne davantage la forme d'un clivage gauche-droite.

Or, une telle analyse n'est pas que superficielle; elle est aussi complètement fausse sur le plan empirique. Dans le monde occidental, depuis la crise du pétrole des années 1970, ce sont les partis de gauche comme le NPD qui tendent peu à peu à disparaître et à se transformer en partis de centre, sous la double pression des processus de désindustrialisation et de mondialisation de l'économie. L'intégration économique mondiale impose des limites à la capacité des gouvernements à financer, via des taxes et des impôts, le type de politiques sociales et d'État-providence qui a traditionnellement été la marque de commerce de la gauche.

Au tournant du XXIe siècle, Tony Blair en Angleterre, Gerhard Schröder en Allemagne et Bill Clinton aux États-Unis ont inventé la politique de la «troisième voie» pour moderniser leur parti et les situer dorénavant entre la droite laissez-faire et la gauche dirigiste. Qui pense encore que le Parti socialiste français sera de gauche si Dominique Strauss-Kahn, le patron du Fonds monétaire international, devient son prochain chef?

La tendance internationale est claire : la mondialisation contraint la gauche à se repositionner vers le centre. L'avenir appartient davantage au centre qu'à la gauche. Dans ce contexte, il ne serait pas rationnel que le PLC se saborde en acceptant de se fusionner avec le NPD.

Si le NPD a ses racines dans le mouvement agraire des Prairies, son membership, de même que sa base organisationnelle et financière, se trouvent surtout du côté des grands syndicats de l'Ontario. Le NPD, un parti de résistance, est étroitement lié à ces intérêts.

Ses militants, qui contrôlent les instances décisionnelles internes du parti, sont peu susceptibles de céder leur place à la majorité de députés  néo-démocrates «instantanés» que vient de lui envoyer le Québec. Comme le PQ peut en témoigner, les partis idéologiques se laissent plus facilement diriger par les «purs et durs» de longue date que par les nouveaux convertis.

Il sera extrêmement difficile pour le NPD de concilier sa structure de pouvoir traditionnel avec sa nouvelle majorité de députés québécois. Les tensions seront fortes et les risques de fractionnement et d'implosion très réels.

Pour les libéraux, le scénario d'une sorte de «baiser de la mort» du Québec au NPD  ouvre la voie à une possible renaissance à moyen terme. Mais ils doivent éviter de choisir un nouveau leader qui pourrait donner de la crédibilité à l'idée d'une fusion avec le NPD, ce qui exclut automatiquement Bob Rae au lourd passé de leader néo-démocrate. Ils doivent ensuite éviter à tout prix de choisir Justin Trudeau, qui transporte aussi un lourd passé, celui de son père et d'un fédéralisme centralisateur qui divise le Québec.

Car il ne faut pas se tromper: c'est par le Québec que se fera la reconstruction du PLC. Le «nouveau» Parti libéral sera québécois ou il ne sera pas.