La douleur des proches des victimes de Polytechnique et de Dawson est encore vive, et comme père d'une fille de 6 ans, j'appuierais toute mesure susceptible de réduire le risque de récidive de tragédie similaire.

La douleur des proches des victimes de Polytechnique et de Dawson est encore vive, et comme père d'une fille de 6 ans, j'appuierais toute mesure susceptible de réduire le risque de récidive de tragédie similaire.

Ces événements ont grandement marqué le Québec, et ont amené des prises de position plus radicales visant le contrôle des armes. Mais la tragédie de Dawson elle-même rappelle les limites des politiques imposées: l'arme utilisée ce jour-là était enregistrée, et c'est la présence fortuite de deux policiers dans le collège qui a permis de limiter le nombre de victimes, non le papier d'enregistrement de l'arme.

Avec un gouvernement conservateur majoritaire au pouvoir, les partisans du contrôle des armes s'inquiètent de la loi sur l'enregistrement obligatoire des armes de chasse. Marie-Claude Lortie écrit («Les fusils»), en parlant de ceux-ci, que «les statistiques sur les crimes avec arme à feu sont de leur côté», comme si les chiffres prouvaient que la loi avait sauvé des vies. Or, la froide analyse montre que la loi a probablement eu peu d'impact sur le nombre d'homicides au Canada.

Avant l'adoption de la loi par les libéraux en 1995, il était obligatoire, pour se procurer une arme de chasse, d'obtenir une autorisation d'acquisition d'arme à feu, qui était accordée après une vérification policière. Cette vérification, franchement raisonnable, évite que des gens au passé criminel se procurent une arme, du moins légalement.

La loi oblige maintenant non seulement à obtenir l'autorisation de se procurer une arme de chasse, mais aussi à enregistrer chaque arme individuellement. Est-ce efficace? Il y a en moyenne 200 meurtres commis par arme à feu au Canada, un nombre assez stable depuis 30 ans, malgré l'accroissement de la population. Environ 400 autres meurtres surviennent chaque année. Donc, seulement un tiers des meurtres sont commis par arme à feu.

Mais combien sont perpétrés par des armes de chasse, les armes que le gouvernement conservateur voudrait soustraire à l'enregistrement obligatoire? Ce nombre est en chute constante, depuis 1980, bien avant la loi votée en 1995.

En 1980, 120 meurtres avaient été commis par arme de chasse, alors que 62 meurtres avaient été commis par arme de poing. En 1995, l'année où la loi a été votée par les libéraux, le nombre de meurtres par arme de chasse avait déjà chuté de moitié, à 64, alors que le nombre par arme de poing avait augmenté à 95. En 2001, l'année où la loi est entrée en vigueur: 46 homicides par arme de chasse et 110 par arme de poing. Finalement, malgré l'amnistie accordée par le gouvernement conservateur en 2005, les statistiques de 2009 révèlent seulement 29 homicides par arme de chasse, contre 112 par arme de poing.

Bref, il y a eu un changement dans le type d'arme à feu utilisé. Les armes de chasse sont utilisées de moins en moins fréquemment, et les armes de poings sont davantage utilisés. Cette tendance a débuté bien avant la tragédie de Polytechnique, et s'est poursuivie pendant 30 ans, malgré l'entrée en vigueur de la loi et l'amnistie depuis 2005.

La loi obligeant l'enregistrement des armes de chasse semble n'avoir eu que peu d'impact sur les homicides au Canada, malgré la bonne volonté des familles de victimes, des activistes et des politiciens.

Le Canada n'est pas les États-Unis, et ne veut pas le devenir. Le nombre d'armes en circulation est plus faible au Canada, surtout les armes de poing et les armes automatiques. Notre taux d'homicide est une fraction du leur, et il est encore plus bas au Québec.

En tant que père de famille, j'espère que j'aurai toujours à me soumettre à une vérification de mes antécédents avant de me procurer une arme, pour la sécurité de tous. Cette mesure n'est pas remise en question par les conservateurs.

Mais l'enregistrement individuel des armes ne sauve pas de vies, et l'argent ainsi gaspillé servirait mieux la sécurité en engageant quelques policiers de plus, en espérant qu'ils seront prêts de la scène quand la prochaine tragédie aura lieu. Pour que des vies soient sauvées et que d'autres parents ne vivent pas un drame comme ceux de Polytechnique et Dawson.